C’est la troisième fois, depuis sa création en 1995, que Musique-Images-Instruments consacre un volume présentant une sélection de communications prononcées lors d’un colloque thématique. En 2009, son volume 11 avait en effet porté sur Le pianoforte en France (1780-1820) et comportait une quinzaine de contributions de facteurs, musiciens, chercheurs et conservateurs venus d’Europe et des États-Unis pour un colloque international organisé conjointement par l’Institut de recherche sur le patrimoine musical en France (IRPMF, Unité mixte de recherche 200 du CNRS), par le musée de la Musique et par l’Ensemble baroque de Limoges qui avait accueilli cette rencontre au château de La Borie. D’une façon similaire, en 2013, le volume 14 de notre revue constituait la première monographie sur Le serpent : itinéraires passés et présents et faisait suite à un colloque international organisé aussi par l’IRPMF, cette fois en partenariat avec le Musée de l’Armée à l’Hôtel national des Invalides. Aujourd’hui le présent volume se fait l’écho d’un colloque international organisé grâce à une collaboration entre l’Institut de Recherche en Musicologie (Unité mixte de recherche 8223 du CNRS, héritière depuis 2014 de l’IRPMF), le Study Group on Musical Iconography de la Société Internationale de Musicologie / International Musicological Society (IMS) et la Cité du Vin à Bordeaux. Ce colloque, intitulé Entre extase et inspiration : le vin et la musique dans les arts visuels / Between ecstasy and inspiration: wine and music in the visual arts, qui se tint du 21 au 23 juin 2018, avait bénéficié du soutien de Sorbonne Université et de l’Université Bordeaux-Montaigne. Il concluait une exposition temporaire Le Vin et la Musique, accords et désaccords (XVIe-XIXe siècles) dont le commissariat était assuré par Florence Gétreau et qui s’était tenue dans cette jeune institution culturelle du 22 mars au 24 juin 2018.
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Florence GÉTREAU et Fabien GUILLOUX, Éditorial
I. LE VIN ET LA MUSIQUE
• Gaia PRIGNANO, Dionysus between Ferrara and Modena: the revivals of the god of wine and of music in the House of Este.
• Florence GÉTREAU, Vin et musique dans les jardins de plaisir : un thème pour les couvercles de virginales et clavecins anversois et allemands (1570-1650).
• Nikola PIPERKOV, L’Allégorie du poète de Jacob Jordaens : Hermapollon (inspiration) et Bacchus (ivresse) dans l’imaginaire théorique du Nederduytschen Helicon.
• Fabien GUILLOUX, Deux pichets à décors musicaux du XVIIIe siècle.
• Therese A. DOLAN, Enivrez-vous: Manet’s Old Musician and Velázquez’s Drinkers.
• Maria AIVALIOTI Le vin, la musique et la mort dans l’œuvre des peintres symbolistes. Extase, plaisir et souffrance dans l’Europe de la fin du XIXe siècle.
• Jordi BALLESTER, Music, alcohol and tobacco: symbols of modernity and freedom in the 1960s. An iconographic approach through two paintings by Esther Boix.
II. NOTES ET DOCUMENTS
• Elisa BARBESSI, La représentation anthropomorphique de Musique et Harmonie dans la littérature mythographique aux XVIe et XVIIe siècles.
• Catherine CESSAC, Le Festin de Didon et Énée de François de Troy (1704) : une singulière démonstration de pouvoir.
• Lidia Aurora CHANG, Masculinity, English Nationalism, and Charles Nicholson’s “Improved” Flute.
• Alban FRAMBOISIER, Auguste Tolbecque et son exemplaire de l’ouvrage de George Hart, Le Violon. Ses luthiers célèbres et leurs imitateurs.
• Guillaume DUBIGNY, Créer la musique de l’avenir dans un studio de radio : la musique concrète en images (1950-1960).
III. CHRONIQUE
IV. RECENSIONS ET NOUVELLES PUBLICATIONS
V. BIOGRAPHIES, RÉSUMÉS, ABSTRACTS
Résumés et abstracts :
Gaia Prignano, Dionysus between Ferrara and Modena: the revivals of the god of wine and of music in the House of Este.
In the context of the Renaissance revival of the Dionysian theme, the artistic production of Ferrara inthe years of the duchy of Alfonso I d’Este (1505-1534) stands out for the quantity and quality of the
works. Dionysius and his entourage are depicted in numerous paintings, among which emerge the famous ‘bacchanalia’ from the “Camerino delle Pitture,” the Duke’s personal studiolo and therefore the place of election for his self-representation. But the fortune of Dionysus in the Este sphere does not end with the death of Alfonso I. The god of wine is in fact the protagonist of both the frescoes in the “Camerino dei Baccanali” (Este’s Castle in Ferrara) of Alfonso II, last Duke of Ferrara from 1559 to 1597, and of the “Galleria di Bacco” in the Ducal Palace of Sassuolo (near Modena), realized by Jean Boulanger for Francesco I d’Este, Duke of Modena from 1629 to 1658. This paper will propose a comparison between these pictorial cycles, focusing on the evolution of the Dionysian musical iconography in the House of Este intended as a reflection of different personal approaches to the myth of Dionysus.
Florence Gétreau, Vin et musique dans les jardins de plaisir : un thème pour les couvercles de virginales et clavecins anversois et allemands (1570-1650).
Cette étude porte sur une série de couvercles de virginales simples ou doubles construites entre 1578 et 1600 par différents facteurs ayant exercé à Anvers pour une clientèle élitaire voire princière. D’autres couvercles – parvenus jusqu’à nous sans l’instrument de musique qu’ils ornaient – doivent être rapprochés de cette production anversoise et présentent des parentés thématiques et stylistiques évidentes. Quasi tous convoquent les plaisirs du vin dans des jardins de plaisir sophistiqués. Leurs traits communs s’inscrivent en effet dans une tradition visuelle, poétique et musicale qui remonte au Moyen Âge et qui trouve son plein épanouissement à la Renaissance, notamment aux Pays-Bas. Ces scènes musicales de plein air, qui prennent souvent pour prétexte l’évocation du Printemps, du mois de Mai, ou du Fils prodigue, mais aussi le thème des Gémeaux associé à la musique et qui disposent d’élégantes compagnies dans des parcs aristocratiques, sont très fréquentes dans l’oeuvre du peintre Hans Bol (1534-1593). Nous tenterons donc de développer l’hypothèse d’une attribution de certains de ces spécimens à cet artiste, à moins que ses estampes, qui furent fameuses et circulèrent beaucoup dès les deux dernières décennies du XVIe siècle, n’aient servi de modèles aux artisans peintres décorateurs de certains de ces couvercles. Cette étude se poursuit avec un couvercle d’épinette polygonale organisée, dont le double instrument a été détruit. Celui-ci et son décor fut exécuté à Nuremberg en 1619. La peinture a pour objet les saisons, les mois, et le portrait du commanditaire, Lucas Friedrich Behaim, entouré de saa famille, de ses amis, et des trois artisans ayant oeuvré pour cet exceptionnel instrument : le facteur de clavecin, le facteur d’orgue et le peintre que nous proposons d’identifier avec Paul Juvenel. Enfin nous aborderons deux couvercles de clavecin aux auteurs identifiés Philip Schey d’une part et Johann Hulsman, qui développent aussi la thématique du repas en plein air agrémenté de vin et qui permettent de mesurer comment le jardin des plaisirs raffinés devient plus truculent au milieu du XVIIe siècle dans le Saint-Empire romain germanique où les estampes des Pays-Bas servirent souvent de modèle.
Nikola Piperkov, L’Allégorie du poète de Jacob Jordaens : Hermapollon (inspiration) et Bacchus (ivresse) dans le Nederduytschen Helicon.
L’Allégorie du Poète de Jacob Jordaens, contemporaine à la fondation de l’Académie d’Anvers, constitue une glose picturale sur l’exercice du noble art de la poésie-topos sensible dans les milieux intellectuels nordiques qui affirment l’usage du nederduytschen (bas allemand) et son émancipation du latin. La peinture du Los Angeles County Museum of Art peut être interprétée en étroite relation avec le Nederduytschen Helicon qui paraît à Alkmaar (Haarlem) en 1610. Il s’agit d’un recueil de poèmes qui propose un imaginaire pécifique aux écoles du Nord, et qui établit un rapport entre le vin et l’inspiration. Ce rapport est manifestement exploité par Jordaens : au centre de sa composition le poète qui boit une coupe d’ambrosie symbolise l’immortalité atteinte par la création artistique. Nous examinerons d’abord l’imaginaire théorique du Nederduytschen Helicon avant de spéculer sur le rapport entre éloquence, inspiration et ivresse. Chez Jordaens, ces concepts apparaissent personnifiés en Mercure, Apollon et Bacchus, dont nous déterminerons l’iconographie spécifique au Nederduytschen Helicon et, plus généralement, à la théorie artistique de l’Académie des Beaux-Arts d’Anvers.
Fabien Guilloux, Deux pichets à décors musicaux du XVIIIe siècle.
Cette contribution étudie et confronte deux pichets de faïence à décors parlant réalisés à Lille (1731) et à Aire-sur-la-Lys (1773). En raison de leur thématique commune : des musiciens en situation de jeu, le premier dans un cabaret, le second dans une église, nous avançons l’hypothèse qu’ils puissent avoir été réalisés et utilisés dans des contextes de sociabilités bachiques et musicales propres aux provinces du Nord de la France. La description et l’analyse iconographique des deux objets, leur mise en perspective avec d’autres artefacts contemporains et des recherches inédites en archives permettent dès lors de restituer leur contexte de production et d’usage dans un cabaret lillois et un estaminet d’Aire-sur-la-Lys. Leur étude permet ainsi d’éclairer un aspect inédit et méconnu des pratiques d’enivrements collectifs entre musiciens, notamment des réseaux de fraternités ecclésiastiques attestés dans les diocèses de Cambrai, d’Arras et Saint-Omer.
Therese Dolan, Enivrez-vous: Manet’s Old Musician and Velázquez’s Drinkers.
One of Manet’s many sources for his 1862 painting The Old Musician was Diego Velázquez’s 1628 The Drinkers (Los Borrachos). I speculate on Manet’s substitution of Bacchus for a gypsy violinist in order to relate the work to connections between wine, music, and intoxication as a rationale for the Velázquez source. I seek to provide an insight into Manet’s alliance of his modernist agenda with the aesthetic aims of the poet Charles Baudelaire’s writings on wine and music. Additionally, this essay considers Franz Liszt’s writings on bohemian music where the notion of ivresse plays a foundational role.
Maria Aivalioti, Le vin, la musique et la mort dans l’oeuvre des peintres symbolistes. Extase, plaisir et souffrance dans l’Europe de la fin du XIXe siècle.
Décrit plutôt comme un état d’âme et moins comme un mouvement, le Symbolisme a forgé son identité à la fin du XIXe siècle, pendant une période considérée comme « l’âge d’or » du vin ainsi que celle qui a immortalisée la musique. Les peintres symbolistes, qui appartenaient dans une génération qui avait le mal de vivre, ont montré, selon l’enseignement de Jean Moréas et celui d’Aurier, une prédilection pour la musique afin de trouver des sources d’inspiration et d’exposer leur propre psychisme. En outre, dans leur production artistique, ils représentaient le vin comme un synonyme d’ivresse, du plaisir mais aussi de la décadence sociale et morale. Les peintres symbolistes, tels que Gustave Moreau et Félicien Rops, ont esquissé l’union du vin et de la musique afin de fustiger la société de leur temps qui oscillait entre le plaisir et la mort morale.
Jordi Ballester, Music, alcohol and tobacco: symbols of modernity and freedom in the 1960s. An iconographic approach through two paintings by Esther Boix.
The present article deals with the changes in attitude among some artists, intellectuals and young people from Barcelona towards life, art and culture during the Sixties. It particularly considers the idea of modernity and freedom in connection with music, dance and social habits such as alcohol and tobacco consumption. All these elements became icons of modernity at that time, not only conceptually but also in a visual and iconographic sense. This study focuses on two paintings by the Catalan artist Esther Boix (1927-2014) dating
from the early 1960s. Entitled Alta fidelitat (1962) and Twist (1963), they are used as case studies to analyse the iconic role assumed by music, alcohol and tobacco as symbols of new social behaviours. The article also takes into consideration the context in which the artist lived, her aesthetic trends, her circle of friends and her anti-Franco stance, whereby these artworks can be viewed as a reflection of a society and an era.
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