Alexandra Goulaki Voutira, L’éducation musicale à Athènes à l’époque classique.
De nombreux héros sont représentés tenant ou jouant de la lyre, signe de leur éducation aristocratique (paideia) dont la musique est une composante essentielle, notamment à la cour des Tyrans (VIe siècle). À la fin de la période archaïque et dans la première moitié du Ve siècle, les scènes musicales deviennent plus fréquentes sur les vases attiques. Les instruments généralement représentés sont la lyre et la kithara. Le maître de musique accompagne le jeune chanteur avec l’aulos ou avec un instrument à cordes, une lyre ou un barbiton. L’enseignement de l’aulos n’était pas apprécié des Athéniens et il disparaît progressivement de l’iconographie dans la seconde moitié du Ve siècle tandis qu’à Thèbes, les joueurs d’aulos furent largement sollicités. Dans l’Athènes de Périclès, les représentations d’élèves diminuent, alors que la présence de femmes dans les scènes musicales augmente. Au milieu du Ve siècle, la musique devient un spectacle et l’apparition d’une virtuosité professionnelle s’intensifie. La nouvelle musique à Athènes trouve un écho dans les tragédies d’Euripide. Aristophane se retourne contre celle-ci et Aristote émet des réserves quant à sa valeur éducative. Durant l’époque hellénistique, la musique est souvent écartée de l’éducation des jeunes.
Björn R. Tammen, Musique et danse pour un jeune prince : la joyeuse entrée de l’archiduc Charles à Bruges en 1515.
La joyeuse entrée appartient aux cérémonies les plus importantes des Pays-Bas bourguignons durant le bas Moyen Âge et les premiers temps modernes. Malheureusement, la plupart des entrées sont seulement documentées par des chroniques, les témoignages iconographiques étant rares. Le manuscrit 2591 de l’Österreichische Nationalbibliothek fait exception : il commente en récits et en images l’entrée de l’archiduc Charles dans la cité de Bruges. Ce manuscrit richement décoré contient un récit détaillé de l’entrée de Charles, rédigé par Remy du Puys, et offre des miniatures de chaque tableau vivant. Cet article aborde les messages politiques du texte de Remy du Puys et trois points sont développés : 1. Orphée joue de la harpe (allégorie complexe du pouvoir) ; 2. un branle évoque les tendances modernes de la culture de la danse au début du xvi e siècle ; 3. un ensemble de joueurs de cornets contribue à l’acclamation du roi Salomon de la façon la plus raffinée. Une comparaison est faite avec la joyeuse entrée dans Bruxelles (1496) de la mère de Charles, la reine Jeanne d’Espagne. En 1515, les commerçants étrangers de Bruges avaient en effet financé quelques tableaux vivants, Marguerite d’Autriche et sa cour de Malines semblent avoir été à l’origine du programme général.
Camilla Cavicchi, Musique pour Éros et Psyché au palais du Té à Mantoue.
L’article analyse la fonction de la musique dans la salle de Psyché au palais du Té à Mantoue. En 1526, Frédéric II Gonzague commande la réalisation du cycle de fresques au célèbre peintre Jules Romain. L’idée de représenter le thème mythologique d’Eros et Psyché dérive d’une tradition humaniste attestée par des œuvres poétiques, littéraires, théâtrales et artistiques. Dans les fresques de Psyché, Jules Romain et son atelier ont peint la musique en l’illustrant de plusieurs manières. En fait, la musique est caractérisée par différentes fonctions : elle a un important rôle dans le mythe ; elle évoque la dimension diachronique du temps de la narration ; elle est aussi représentée comme l’actualisation du paradigme de l’antique. En plus, contrairement à la tradition contemporaine, l’auteur du projet iconographique attribue une connotation dionysiaque à la musique du banquet nuptial qui pourrait être mis en relation avec les célèbres peintures de Ferrare sur le thème des Bacchanales.
Vasco Zara, Modes musicaux et ordres d’architecture : migration d’un modèle sémantique dans l’œuvre de Nicolas Poussin.
À maintes reprises, des historiens travaillant sur différents domaines ont fait référence aux débats surgis au sein de l’Académie royale de peinture et de sculpture et à la célèbre lettre où Nicolas Poussin cite implicitement Le istitutioni armoniche (Venise, 1558) de Gioseffo Zarlino, pour évoquer une possible dérivation programmatique entre l’ethos des sujets représentés sur la toile et la théorie des modes musicaux (Lettre à Paul Fréart de Chantelou, 24 novembre 1647). Toutefois, les résultats sont contradictoires et peu fiables. Des recherches plus actuelles (qui repèrent les raisons du choix du décor chez Poussin dans la distinction entre scène tragique et scène comique présente dans les écrits théoriques des architectes de la Renaissance) suggèrent d’envisager cette problématique d’un autre point de vue. Si l’on songe aux différents modèles – mathématiques, anthropomorphiques, rhétoriques – et aux différentes fonctions – sociales, morales, musicales – qui interviennent dans la définition du langage des ordres d’architecture, on se demande alors si l’utilisation des éléments précis empruntés à la théorie architecturale chez Poussin ne véhicule pas aussi, d’une façon consciente, des significations musicales. L’analyse des tableux de deux séries des Sept Sacrements, en particulier la Pénitence, semble fournir une confirmation directe de cette hypothèse de recherche.
Cristina Santarelli, Le Vaisseau de la Félicité. Iconographie des fêtes musicales à la cour de Savoie au XVIIe siècle.
Les spectacles fastueux qui eurent lieu en Piémont au XVIIe siècle, à l’époque des Dames royales Christine de France et Jeanne-Baptiste de Savoie-Nemours sont connus par un grand nombre de chroniques, de livrets, de musiques notées, de gravures et de miniatures. Le document visuel le plus important est constitué par un ensemble de treize manuscrits réalisés par Tommaso Borgonio. Ils traduisent en images la somptuosité des apparats en reproduisant les textes, les scènes, les personnages, les habits et les chorégraphies d’autant de ballets, tournois et mélodrames. À travers l’analyse comparée des illustrations de Borgonio avec trois traités du jésuite lyonnais Claude-François Ménestrier (1631-1705), l’auteur a essayé de reconstruire la physionomie de ces spectacles.
Nicole Lallement, Iconographie d’un chanteur au xviii e siècle : Pierre Jélyotte (1713-1797).
La carrière du chanteur Pierre Jélyotte (1713-1797) fut des plus brillantes. Il s’illustra à l’Académie royale de musique où il interpréta les plus grands rôles, comme à la cour ou dans les salons privés. L’article étudie ici, par ordre chronologique, tous les portraits connus, peints, dessinés ou gravés de l’artiste, depuis celui de l’homme jeune dans l’intimité jusqu’au profil à l’antique de l’homme vieillissant, en passant par le tableau d’apparat, le portrait de scène ou la scène de genre. Ces œuvres accompagnent en effet toute sa carrière et témoignent de la fascination qu’il exerçait sur ses contemporains. Elles offrent également une image de la variété du portrait au cours du XVIIIe siècle.
Florence Gétreau, L’Aveugle Frélon et La romance du chien : construction et diffusion d’une image en abîme.
Au Salon de peinture de 1814, Antoine-Pierre Mongin (1761-1827) expose un tableau représentant L’Aveugle Frélon. Le catalogue imprimé précise : « Il est représenté dans la place Louis XV : il est accompagné de son chien ». Au sol, une pile de feuilles volantes imprimées portent le titre d’une chanson : Romance du chien. Le tableau a été lithographié en 1816 par Godefroy Engelmann, avec pour titre Le Chien de l’aveugle. Les vers qui sont reproduits sont ceux d’une romance écrite et imprimée par Augustin-François Creuzé de Lesser (1771-1839). Elle fut mise en musique par Jean-Aimé Vernier, harpiste de l’Académie royale de musique et membre de la Société académique des enfants d’Apollon. Deux autres lithographies présentant des variantes ont été ultérieurement publiées. Nous mettons donc ici en lumière l’interrelation et la circulation d’un « motif », avec le passage de la chronique à la construction d’un « tableau » romancé du Paris pittoresque, à la fois pour le public du Salon de peinture et celui d’une Société musicale réunissant musiciens amateurs et professionnels.
Jean-Michel Nectoux, Aux sources des Danseuses de Delphes.
Parmi les nombreuses œuvres inspirées à Debussy par une impression visuelle ou une œuvre d’art, le premier des Préludes pour piano, Danseuses de Delphes… a suscité maintes interrogations ; le musicien était réputé avoir vu au Louvre un « bas relief » ou une « photographie » d’une œuvre issue du site antique de Delphes. Une enquête serrée sur l’histoire de ce monument et sa découverte, au printemps de 1894 par l’École française d’Athènes, complétée par la consultation des archives du musée et les guides contemporains du musicien ont révélé que Debussy avait pu admirer durant sa vie un moulage du monument exposé de 1901 à 1932 sur l’un des paliers du grand escalier menant à la Victoire de Samothrace. Quelques rapprochements entre la pièce de Debussy et l’œuvre qui l’inspira sont suggérés, révélant l’extrême sensibilité du musicien à la signification profonde de cette statuaire dont la nature religieuse et le caractère rituel de la scène représentée, liée au culte d’Apollon ont, depuis, été décryptées par les archéologues.
Antonio Baldassarre, The Musicalization of the Visual Arts. Considerations of 20th century music iconography research.
Cet article explore les interactions entre la musique, les arts visuels et l’histoire du concept « visual music », qui date de la fin du XIXe siècle. Il est également question des aspects méthodologiques en iconographie musicale à partir d’ouvrages sur la musique et l’histoire de l’art aux XIXe et XXe siècles.
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