La Romance autour de 1800

ven 26 fév 2021
9h30 - 16h
Programme: 

Programme 

09h30 Alexis de Garaudé, compositeur de romance et pédagogue 

Justin Ratel (CNSMDP) 

10h Ce qu’il fallait savoir pour chanter une romance en 1840 : paradoxe de l’amateur 

Pierre Girod (Université de Rouen-Normandie) 

10h30 La romance et les poètes de la Renaissance 

Christophe Dupraz (École normale supérieure, Institut de recherche en musicologie) 

 

Pause 

 

11h15 Jean-Pierre Claris de Florian, faiseur de romances 

Clotilde Verwaerde (Sorbonne Université, Institut de recherche en musicologie) 

11h45 Les romances de Loïsa Puget : miroir d’un certain goût musical en son époque 

Catherine Merle 

12h15 Présentation du CD « Romances françaises 1795-1815 » 

Sylvie Nicéphor 

 

Pause 

 

14h Présentation des artistes intervenant dans les ateliers de formation de La Nouvelle Athènes suivie d’une table ronde 

Avec Claire Lefilliâtre, Stéphane Fuget et Luca Montebugnoli 

Résumés des communications 

Alexis de Garaudé, compositeur de romance et pédagogue 

JUSTIN RATEL (CNSMDP) 

Alexis de Garaudé, compositeur, pédagogue et éditeur de musique dans la première partie du XIXe siècle, a produit un oeuvre considérable tout au long de sa vie où la musique vocale occupe une place importante avec un opéra, des messes, plus de deux cents romances et de nombreux ouvrages pédagogiques consacrés au chant. Nous montrerons comment cet auteur a construit un système cohérent d’enseignement du chant et du piano à travers l’étude de plusieurs de ses ouvrages théoriques : manuels et méthodes d’accompagnement, de piano, de chant, de vocalisation et de solfèges. Le cas Garaudé illustre la manière dont les musiciens du début du XIXe siècle pensaient l’apprentissage musical préalable à l’exécution de la romance. Nous pourrons ainsi montrer comment les solfèges, les vocalises et leurs accompagnements sont pensés comme des outils pédagogiques permettant d’acquérir le savoir-faire musical nécessaire pour aborder l’exécution des morceaux. 

Le but de notre étude est double, d’une part elle permettra à terme de donner aux interprètes des outils empruntés à la pédagogie musicale de l’époque et cohérents avec le répertoire vocal et d’accompagnement du début du XIXe siècle. D’autre part, l’analyse des traités d’Alexis de Garaudé et des témoignages sur le musicien permet de donner des clés d’interprétation pour un répertoire dont les interprètes sont aujourd’hui peu familiers. Enfin, cette étude s’inscrit dans la perspective des travaux musicologiques ayant déjà croisé les méthodes d’apprentissage et un répertoire musical donné à l’instar du travail de Robert Gjerdingen sur l’apprentissage dans les conservatoires napolitains mis en regard avec les oeuvres du XVIIIe siècle. 

Ce qu’il fallait savoir pour chanter une romance en 1840 : paradoxe de l’amateur 

PIERRE GIROD (UNIVERSITE DE ROUEN-NORMANDIE) 

Pour enseigner aujourd’hui à chanter la romance à des artistes lyriques (en herbe ou confirmés), il est d’abord nécessaire de redéfinir ce qu’est le chant comme pratique sociale et artistique. Chante-t-on pour un public, pour soi, pour l’art, pour de l’argent ? Prend-on place sur une estrade, au milieu des convives, dans une pièce attenante ? Quel geste vocal est considéré comme expression lyrique légitime et quels effets en sont indignes ? Afin de saisir les fonctions et registres d’écoute qui correspondent à ce répertoire, il faut substituer au faux enjeu du beau la souveraineté de l’à-propos, et à la notion vague de divertissement la réalité concrète des alliances matrimoniales à conclure. Ainsi, des éléments de l’art de la conversation, tels que le « bon mot » ou la « pique », sont des outils plus pertinents que la rhétorique et la poétique classiques pour l’analyse de ces morceaux que l’on fait entendre chez soi. 

Nous devons ensuite prêter une attention érudite, ou au moins informée, aux éditions originales. La graphie des accents et des points d’orgue, la disposition exacte de la musique et du texte sur la page, les irrégularités de liaisons ou de pédalisation, et souvent le traitement parfois lâche de certains de ces détails – impliquant alors une responsabilité accrue de l’interprète – sont autant d’indices précieux pour un lecteur averti. Il importe de se glisser dans la peau et dans la situation d'un contemporain pour décrypter tous les signes, pour accomplir soigneusement toutes les tâches préparatoires qui incombent au chanteur avant de dire – avec une spontanéité toute feinte – la moindre romance en société. 

Le contexte d’exécution (continuité avec les autres moments de la soirée), les contraintes génériques (limitation des gestes) et les insuffisances techniques (pas de répétition possible) étant posés, nous pouvons aborder la question de la vocalité souhaitable. C'est là que notre paradoxe sur l'amateur se mue en paradoxe sur le professionnel car un fossé s'est creusé entre les attentes d'autrefois et celles d'aujourd'hui. Si chacun·e est amené.e à inventer ses solutions sur mesure, il est possible de définir un cadre théorique commun à ces choix ; car, une fois les oeuvres aussi parfaitement comprises que possible, on peut enfin se poser la question de la transposition esthétique des pratiques anciennes dans le salon du XXIe siècle. 

La romance et les poètes de la Renaissance 

CHRISTOPHE DUPRAZ (ÉCOLE NORMALE SUPERIEURE, 

INSTITUT DE RECHERCHE EN MUSICOLOGIE) 

Dans l’élan artistique qui cristallise l’affirmation de l’esthétique romantique, le renouveau de la poésie française – à partir de 1828 – s’appuie en partie sur la redécouverte et la réhabilitation des vieux maîtres de la Renaissance. L’oeuvre lyrique de Ronsard et de la Pléiade, notamment, sert de modèle formel et de source d’inspiration aux contemporains de Sainte-Beuve et de Victor Hugo. 

Lieu de rencontre privilégié entre la poésie et la musique, la romance ne pouvait ignorer cette mutation stylistique. 

Il faut cependant attendre les années 1840 pour que certains compositeurs et critiques engagent une réflexion sur le statut de ce genre musical. On commence en effet à se plaindre de la banalité des vers que les romancistes du temps produisent à un rythme effréné, de la platitude du matériau mélodique et harmonique dont les éditeurs inondent le marché de la musique ou de la fadeur conventionnelle d’un sentimentalisme qui vise le plaisir éphémère du public des salons parisiens. On perçoit peu à peu la rigidité du cadre formel dans lequel s’inscrit la romance – la dictature de la carrure – comme un obstacle à l’affirmation de la subjectivité propre du poète, du musicien, du chanteur, c’est-à-dire à l’expression du lyrisme qui caractérise l’esthétique romantique et dont les vers d’un Ronsard donnent l’exemple. 

Simultanément, la réévaluation de la poésie de la Pléiade se double d’une redécouverte de l’art des vieux chansonniers dont Clément Marot – héritier d’une tradition qui remonte aux trouvères – est l’exemple le plus accompli, le plus authentique, en un mot, le plus parfaitement français

Marot, Ronsard : il convient de mesurer la distance qui sépare ces deux poètes, que l’on entend se donner pour modèle, des rimailleurs que sollicitent tant d’auteurs de romances à succès. C’est cette prise de conscience, cette réflexion, que nous souhaitons mettre en lumière dans notre communication. Pour ce faire, nous nous appuierons sur les écrits des musicographes du temps, Maurice Bourges et Francis Wey notamment. Mais nous verrons aussi, sur quelques cas concrets que nous entendons choisir parmi les mises en musique de poésies de la Renaissance, que cette « révolution esthétique » – l’apologie de la liberté stylistique dont les poètes romantiques donnent l’exemple – effraie certains de ces auteurs en même temps qu’ils l’appellent de leurs voeux. Dans le répertoire de la romance, il y a loin du manifeste théorique à sa mise en oeuvre musicale. 

Jean-Pierre Claris de Florian, faiseur de romances 

CLOTILDE VERWAERDE (SORBONNE UNIVERSITE, 

INSTITUT DE RECHERCHE EN MUSICOLOGIE) 

Si la célébrité du Plaisir d’amour de Jean-Paul-Égide Martini ne fait guère de doute, connait-on pour autant l’auteur de ces vers et l’importance de ses textes dans la romance française, même après sa mort en 1794 ? Nommé à l’Académie Française en 1788, gentilhomme gardois attaché à la maison du Duc de Penthièvre, Jean-Pierre Claris de Florian se distingue dans différents genres littéraires et signe également plusieurs livrets de comédies et opéra-comique, l’occasion pour lui de travailler avec des musiciens. Mais il reste avant tout l’ardent promoteur du roman pastoral dans lequel de nombreuses romances viennent naturellement s’intégrer au récit. Les compositeurs mettent en musique ces poèmes avec un empressement comparable à celui observé pour les arrangements des derniers airs d’opéra à la mode, octroyant ainsi une place de choix à l’auteur de ces vers dans les recueils et périodiques musicaux. 

Aucune étude jusqu’à présent n’aborde spécifiquement les romances composées sur des textes de Monsieur de Florian : le Catalogue des romances françaises parues sous la Révolution et l’Empire, établi par Henri Gougelot en 1937, ne couvre qu’une partie de la période en question et demande à être complété ; l’ouvrage de Michel Cointat consacré à l’homme de lettres (Florian 1755-1794, Aspects méconnus de l’auteur de Plaisir d’amour) aborde ses rapports au monde musical ; le recensement ébauché révèle l’ampleur du répertoire concerné sans toutefois prétendre à l’exhaustivité. Parmi les romances mises au jour, celles issues du Roman d’Estelle occupent une place particulière : paru en 1788 et adapté en mélodrame la même année, ce roman emblématique du genre pastoral comprend vingt romances, mises en musique soit isolément, soit dans des recueils explicitement associés à l’oeuvre littéraire. Parmi ces derniers, les deux volumes de Cherubini sont expressément annoncés par l’auteur dès la première édition du roman. 

Une brève présentation de l’académicien et de ses textes précèdera l’exposé des méthodes mises en oeuvre pour la constitution de ce répertoire, des différentes sources et de leur répartition chronologique. L’attention sera ensuite portée sur les romances d’Estelle et plus spécifiquement sur les mises en musique de Cherubini afin d’en dégager les choix formels et harmoniques et d’envisager l’interprétation de l’ensemble ainsi formé. 

Les romances de Loïsa Puget : miroir d’un certain goût musical en son époque 

CATHERINE MERLE 

Loïsa Puget (1810-1889), l’une des premières compositrices-interprètes de l’histoire de la chanson française, malheureusement oubliée de nos jours, a écrit la musique et chanté plus de trois cents romances, genre musical très à la mode en son temps. Si parfois, il lui arrive d’en écrire les paroles, la plupart des poèmes sont écrits par Gustave Lemoine (1802-1885) qui deviendra son mari en 1845. Loïsa Puget adhère à la SACEM (Société des Auteurs, Compositeurs et Éditeurs de Musique) dès sa création en 1851, elle en est alors la première et la seule femme sociétaire. Ses plus grands succès parviendront jusqu’aux États-Unis où ils seront traduits et publiés en anglais. 

Le talent vocal indiscutable de Loïsa Puget lui permet de faire de nombreuses tournées à travers la France et ainsi d’accéder à un succès incontestable. Elle chante ses romances dans les concerts publics ou privés et dans les salons des grandes villes françaises. L’apogée de sa carrière en tant que chanteuse – qui se situe entre 1830 et 1845 – la place au rang de véritable « vedette » et le genre de la romance dans lequel elle excelle paraît être un des styles de musique les plus appréciés de cette époque. À en juger par son importante production musicale, Loïsa Puget semble avoir à la 

fois un don et l’inspiration facile. Ses mélodies sont de styles variés tantôt humoristiques tantôt enjouées, mais toujours plaisantes et efficaces comme l’exige le genre musical. En effet, la romance peut s’apparenter à une simple chansonnette, mais elle peut être aussi sentimentale, rêveuse ou grave, passionnée ou dramatique et prend même parfois des allures de chants héroïques inattendus chez certains compositeurs au tournant du XIXe siècle, reflétant ainsi un certain goût musical. 

Sa musique est jouée de son vivant dans les théâtres les plus célèbres de Paris. Au début de sa carrière elle compose la musique d’un opéra-comique intitulé Le Mauvais OEil joué au théâtre de l’Opéra Comique et plus tardivement elle écrira celle de La Veilleuse ou les nuits de Milady, une opérette en un acte qui se jouera au théâtre du Gymnase Dramatique en 1869 venant achever son oeuvre. 

Si le couple Puget-Lemoine apparaît comme un exemple rare de collaboration artistique ayant produit des romances à succès, c’est bel et bien grâce à la notoriété de Loïsa Puget en tant que chanteuse. D’autre part, ses musiques ne se retrouvent pas que dans les vaudevilles écrits par son mari mais sont aussi utilisées comme timbres musicaux dans des oeuvres de vaudevillistes connus de l’époque. 

À la lumière de l’analyse de la prosodie et des mélodies, et de l’interprétation d’extraits de trois de ses romances : Mire dans mes Yeux (1835), À la Grâce de Dieu (1840), La Dot d’Auvergne (1840), nous aborderons la question de la structure et du style d’interprétation de ce genre. Cette communication nous permettra de rendre hommage à l’une des femmes les plus importantes de l’histoire de la chanson française. 

Présentation du disque « Romances françaises 1795-1815 » 

SYLVIE NICEPHOR 

Après une présentation générale du cd Romances françaises/french songs 1795/1815 (Calliope 2011), l’intervenante (artiste lyrique) examinera les circonstances de la découverte de ce répertoire (les choix réalisés) et les concerts de romances (effectués entre 2008 et 2011) à l’appui du disque. Les options interprétatives retenues et les recherches musicologiques entreprises à partir des partitions enregistrées seront également abordées avant de conclure sur ce qu’apporte ce travail spécifique dans l’interprétation vocale et pianistique du répertoire français. 

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