Les outils numériques apportent de nouveaux moyens d’analyse et de comparaison qui font évoluer en profondeur les pratiques des humanités et qui redéfinissent leurs rapports aux sciences dites exactes (Bod 347, et 362). Cette évolution est à la fois visible et favorisée à travers la musicologie en raison de sa position à un carrefour interdisciplinaire où convergent, parmi tant d’autres disciplines, l’acoustique, les mathématiques, l’informatique, les statistiques, la linguistique, la littérature, la sociologie et l’histoire de l’art.
Les méthodes numériques, parce qu’elles reposent sur le traitement quantitatif des données, soulèvent toutefois des questions épistémologiques centrales lorsqu’il s’agit d’en investir la signification et le sens, placés au cœur des sciences humaines et sociales. La significativité statistique des observations faites à partir des approches quantitatives ne présage, en effet, en rien de leur « signifiance » – propriété de signifier, commune à tout système de signe (Benveniste 1974, 51).
Dans le domaine de l’interprétation des données, l’analyse immanente – qu’elle soit qualitative ou quantitative – ne peut faire l’impasse sur la prise en compte des points de vue interprétatifs. Ces derniers constituent d’ailleurs une préoccupation importante des humanités numériques de deuxième génération qui s’efforcent « d’utiliser les propriétés connectives du numérique pour pluraliser et redynamiser les interprétations créatives qui font le mérite des humanités » (Citton 2015, p. 5). Il semble donc nécessaire aujourd’hui de préciser davantage le statut du processus interprétatif – avec ce qu’il met en oeuvre de connaissances de l’organisation interne des corpus, de questionnements à l’égard des objets d’étude, d’attentes contextuelles, de subjectivité et de créativité – dans la mise en relation des données et de leurs significations possibles par les approches computationnelles et algorithmiques.
À partir du terrain d’expérimentation fertile que constitue la musicologie, ce séminaire vise à contribuer à cette réflexion épistémologique qui s’articule en lien étroit avec la notion de « subjectivités computationnelles » (Berry 2015). Plus précisément, il s’agit de cerner le statut du numérique dans les trajectoires pédagogiques et les paradigmes de recherche actuels et à venir – qu’ils concernent la compréhension de la logique interne des répertoires, leur appréhension historique et/ou leurs rapports au fait social.
Pour réaliser cet objectif, les différentes séances de ce séminaire porteront un regard critique sur : 1. la réalisation d’encodages de qualité, 2. la discrétisation, la structuration et l’enrichissement de ces données, 3. la recherche d’informations, 4. l’extraction de connaissances et enfin 5. la représentation audio-visuelle.
Ces points d’entrée nourriront la réflexion méthodologique sur la gestion, la transmission, la valorisation et le statut heuristique des connaissances produites en musicologie numérique. L’enjeu majeur de cette réflexion consiste à identifier et à concevoir des trajectoires méthodologiques qui favorisent une intégration raisonnée du numérique en musicologie en insistant davantage sur la complémentarité des démarches quantitatives (positiviste) et qualitatives (élitiste) que sur leur opposition (Rastier 2011, p. 51). À un niveau d’abstraction plus élevé, il s’agira ainsi d’envisager des approches susceptibles de complémenter l’inférence inductive – qui déduit à partir d’observations certaines et quantifiables des faits possibles – par une dynamique inférentielle incluant l’abduction qui, en tant que processus interprétatif, consiste à suggérer une hypothèse possible à partir de la considération de faits certains (Peirce 1958, 218).
Afin de favoriser une réflexion problématisée, propice à ancrer le discours épistémologique dans les questionnements actuels de la recherche et de la pédagogie en musicologie, les séances de ce séminaire seront articulées en deux temps : 1. Des interventions sur les projets et initiatives afférentes à la musicologie numérique qui mèneront une réflexion conceptuelle sur les méthodes, les outils et les problématiques. 2. Des ateliers qui mettront en pratique les technologies et les méthodologies dans l’optique de les éprouver, d’en identifier les apports, d’en cerner les enjeux, de les transposer ou encore de les adapter. Cette double démarche contribuera à clarifier le statut des connaissances produites, par exemple, à travers la constitution et l’annotation collaborative des données (par exemple dans le cadre d’éditions musicales critiques), la recherche automatisée de citations textuelles ou musicales, la réalisation d’ontologies informatiques, la formalisation de règles (par exemple pour l’identification de cadences), les méthodes de fouille de données ou encore les représentations audio-visuelles.
En dressant une cartographie des initiatives et projets entrepris en France et à l’étranger, ce séminaire contribuera à définir le domaine spécifique de la musicologie numérique. L’une des retombées importantes consistera ainsi à s’adosser sur les expériences concrètes, faites sur le terrain, afin de concevoir, à un degré de réflexion plus abstrait, des approches et des parcours innovants en musicologie. À l’inverse, il s’agira d’identifier, de transposer et d’adapter ces trajectoires aux problématiques et besoins concrets des projets qui pourront faire l’objet de présentations.
Ce mouvement d’aller-retour contribuera à clarifier le statut et les voies d’intégration du numérique aux formations et à la recherche en musicologie, en identifiant, parmi l’ensemble des possibilités offertes, les trajectoires productives, enrichissantes et adaptées à la discipline. Les résultats ainsi produits – recensement de projets, communications scientifiques, documents de travail accompagnant les ateliers – pourront faire l’objet de publications sous la forme d’un numéro particulier qu’une revue spécialisée consacrera à la problématique et/ou sur le site de l’IReMus.
Les prochaines séances du séminaire sont en cours d’élaboration. Les informations ci-dessous sont données sous réserve de modifications. Des suggestions de communications et/ou d’interventions lors des séances et des ateliers peuvent être adressées à l’adresse suivante.
IReMus, 2 rue de Louvois 75002, 1er étage, salle de conférence.
15h00 Introduction
1. Appropriation du numérique dans les projets actuellement en cours
16h30 Pause
2. Statut du numérique dans les paradigmes de recherche en musicologie et au-delà
17h45 Pause
3. Épistémologie de la discipline
Maison de la Recherche, 28 rue Serpente, 75006 Paris, salle D 116.
9h00 Introduction
9h30 Jean Bresson (IRCAM) « OpenMusic: de la composition à l'analyse musicale assistée par ordinateur. »
OpenMusic est un environnement de programmation visuelle dédié à la composition assistée par ordinateur, proposant à ses utilisateurs une interface graphique pour l'écriture de processus de traitement ou de génération de données musicales — symboliques ou sonores. Au delà de ses attributions principales (pour l'aide à la composition), cet environnement peut être mis à profit pour l'extraction, la représentation, ou l'automatisation de toutes sortes de traitements sur les données musicales (ou extra-musicales). Nous essaierons d'en illustrer l'usage, ainsi que la pertinence de cette vision d' « utilisateur-programmeur », à travers quelques exemples et applications dans le domaine de l'analyse musicale.
10h15 Pierre Couprie (IReMus), « Nouvelles approches audionumériques pour l’analyse musicale : enjeux épistémologiques. »
Depuis une quinzaine d’années, les techniques audionumériques commencent à être utilisées en musicologie non seulement pour enrichir les méthodes et les pratiques mais aussi pour explorer de nouveaux champs de recherche. Cette présentation s’appuiera sur l’analyse musicale pour montrer que les enjeux épistémologiques dépassent très largement le cadre de la musique et nécessitent de repenser la musicologie comme une science interdisciplinaire.
11h00 Pause
11h15 Thomas Bottini et Christophe Guillotel-Nothmann (IReMus) « L’Inférence de connaissances dans le projet PolyMIR. Une approche hypothético-déductive pour l’analyse de patterns contrapuntiques complexes. »
Les principaux patterns dissonants du contrepoint rigoureux de la Renaissance – la note de passage, la broderie, l’échappée, le retard et l’anticipation – se maintiennent jusqu’au 18e siècle. Ils font toutefois l’objet d’élaborations de plus en plus complexes qui rendent difficile leur identification automatisée. Nous présenterons l’approche hypothético-déductive actuellement employée dans PolyMIR (Polyphonic Music Information Retrieval) pour cerner ces patterns dans des œuvres de la période 1470-1750.
12h00 Marc Rigaudière (IReMus) « L’analyse musicale automatisée : d’une possible rencontre de l’intuition et de la raison. »
Dans quelle mesure l’analyse musicale, démarche empirique et intuitive, est-elle compatible avec la logique formelle des procédures algorithmiques ? L’interrogation par l’informatique du texte musical, pour systématique et exhaustive qu’elle soit, est pourtant contrainte par une définition préalable et nécessairement restrictive des unités à repérer, et à une décomposition de « paramètres » composites et complexes en unités simples et accessibles à la quantification. Dans ces conditions, peut-on attendre des analyses automatisées qu’elles produisent plus d’information que celle qui est déjà connue et qui informe les algorithmes ?Afin d’esquisser une réflexion à ce sujet, plusieurs situations seront examinées, dans lesquelles l’analyste est amené à reconsidérer ses catégories préalablement établies afin de produire une analyse plausible dans un contexte historique et stylistique donné.
Institut de Recherche en Musicologie, 2 rue de Louvois, 75002 Paris, salle de conférence.
14h Olivier Bettens (chercheur indépendant, Lausanne) « Prosodie historique et analyse quantitative : quelques questions de méthode. »
Selon le point de vue, la prosodie peut être considérée comme une branche de la linguistique, de la théorie du vers ou de celle de la musique. Assurant le lien entre ces trois aspects, la stylisation, à savoir l'isolement et la sélection d'un petit nombre d'éléments pouvant prendre plusieurs valeurs discontinues, rend possible la systématisation. En automatisant le repérage de tels éléments au sein de corpus poétiques et musicaux des XVIe et XVIIe siècles, on peut définir et calculer des indicateurs permettant de quantifier, en synchronie et en diachronie, les positions, tantôt raisonnées et tantôt inconscientes, tantôt similaires et tantôt radicalement différentes, adoptées par les poètes et les compositeurs à l'égard des caractéristiques "musicales" de la langue.
14h45 Alice Tacaille (IReMus) « Enjeux linguistiques et partitions musicales en notation symbolique : variations du texte et mesures (monodies du XVIe siècle). »
« Que faisons-nous du texte » ? La présence de paroles dans les corpus chantés offre à la recherche musicologique quantitative de multiples opportunités pour éclairer les relations de la langue et de la musique. Les données textuelles issues des partitions numériques constituent en effet une ressource en soi, particulièrement précieuse pour la littérature, pour la phonétique historique, pour l'histoire, ce que quelques exemples issus des corpus de la Renaissance pourront mettre en évidence dans une perspective généraliste.
15h30 Pause
16h David Fiala (CESR) « Les partitions numériques du CESR de Tours et le projet ANIMUS ("Analyse Numérique de l’Imitation MUSicale dans la messe parodie et les genres musicaux apparentés (xvie-xviie s.)"). »
Le projet ANIMUS travaille à la représentation numérique et à l’analyse collaborative experte (humaine) de la Missa ad imitationem du XVIe siècle (en français « messe-parodie » ou, en anglais, Imitation Mass), dans une perspective, à terme, de confrontation avec son analyse automatisée (par ordinateur). Ce répertoire est le seul genre de l’histoire de la musique à s’être explicitement, intégralement et exclusivement défini par le procédé compositionnel de l’imitation d’une œuvre préexistante, par transformation et développement systématique de ses éléments constitutifs (et non par adaptation ou arrangement plus ou moins libres). Ce corpus de plusieurs centaines d’œuvres partage un principe : composer une œuvre musicale nouvelle (d’une durée moyenne de 25mn, en cinq sections) à partir d’une œuvre musicale préexistante (d’une durée bien plus réduite, entre 2 et 5mn en général). L’investigation numérique de ce corpus repose sur de nouveaux outils : 1. un mode inédit de citation et d’adressage en ligne de fragments de partitions numériques jugés signifiants et 2. leur mise en relation logique sur la base d’un double vocabulaire contrôlé (Types musicaux + Relations). Elle vise de larges horizons : améliorer l’édition et l’annotation analytique ouvertes et collaborative de partitions en ligne ; approfondir la compréhension des processus de citation, d’imitation et, plus généralement, de transformation de matériaux musicaux préexistant dans la création musicale.
16h45 Christophe Guillotel-Nothmann (IReMus) « Connaissances et méthodes mobilisées pour l’identification de patterns harmoniques dans les œuvres polyphoniques pré-tonales. Le cas de la Théorie des vecteurs harmoniques. »
La Théorie des vecteurs harmoniques, développée dès la fin des années 1980, a pour particularité double de se prêter à l’analyse statistique de vastes corpus tout en débouchant sur des catégories sémiotiques a priori homogènes et pertinentes : celles des vecteurs dominants et sous-dominants. À partir de l’exploration d’un corpus de madrigaux de la période 1530-1638, cette intervention s’interroge sur les méthodes et connaissance mobilisées pour l’identification de ces patterns en abordant notamment les questions suivantes : Est-ce que les catégories sémiotiques proposées par la théorie des vecteurs auraient pu être inférées à partir d’une approche rigoureusement quantitative et inductive, axée sur la mise en série de grands corpus ? Quel est le degré de « neutralité » et d’ « agnosticisme » des informations préalables – l’identification des progressions fondamentales – et de celles qui résultent de l’analyse vectorielle ? Enfin, quels sont les rôles et apports possibles du numérique au niveau de l’interprétation qualitative de ces patterns, de l’appréhension de leur statut – par exemple systémique ou stylistique – et de l’identification des concepts auxquels ils renvoient à différents moments au sein du corpus ?
Institut de Recherche en Musicologie, 2 rue de Louvois, 75002 Paris, salle de conférence.
Signification, formalisation et système musicaux : les catégories de signes et leur étude par l’informatique.
1. Argumentaire
L’approche numérique devient omniprésente en sciences humaines et sociales. Elle modifie la conception de ce qui est pensé et identifié comme signifiant et, dans une certaine mesure, fait passer la question du signifié au second plan.
Cette séance se fixe pour but de sonder l’apport et les limites épistémologiques de l’investigation informatique de la musique en tant que système sémiotique. Il s’agira de s’interroger sur la nature des signes musicaux, sur les différentes théories à leur égard, ainsi que sur la possibilité de les identifier par une approche analytique appuyée sur le numérique.
L’interrogation portera d’abord sur la question d’une taxinomie des différents signes et des modes de signification en musique : signifiants et signifiés, expression et contenu, isotopie de l’expression et isotopie du contenu, rapports associatifs in absentia et in presentia, significations intrinsèque et extrinsèque, forme et contenu, icônes, indices et symboles, etc. Il s’agira d’une part de clarifier dans quelle mesure ces cadres et ces catégories permettent (ou non) d’identifier et d’étudier le processus sémiotique en musique ; et d’autre part d’établir les présupposés de ces modèles et leurs conséquences dans le cadre d’approches analytiques informatisées.
Parmi les points d’entrée à la problématique, les suivants feront l’objet de développements particuliers (sans limitation) :
1. Le statut du système. Les signes musicaux paraissent conditionnés par un système dans lequel s’inscrit le jeu de différences et de ressemblances des unités. Le système tonal en particulier semble le seul à avoir connu une stabilité suffisante (common practice tonality) pour fonder ce jeu de façon partagée. Se pose dès lors la question des processus sémiotiques et de leur investigation dans les répertoires dont nous ne connaissons pas tous les aspects du système – par exemple les répertoires pré-tonals –, dans les répertoires dans lesquels notre compréhension est fortement affectée par la formalisation théorique – par exemple la musique sérielle – et dans lesquels l’existence même d’un système stable et partagé ne paraît pas acquise – par exemple les musiques électroacoustiques.
2. Signification et sens : rapport entre les approches systémique et herméneutique. Certaines branches de la sémiotique musicale ont pris le parti de distinguer entre les significations intrinsèques – autoréférentielles et reposant sur leurs unités distinctives – et les significations extrinsèques – renvoyant au monde extérieur. Les significations extrinsèques sont le résultat d’un processus herméneutique qui implique une prise en compte des contextes extérieurs (par exemple socio-culturels ou esthétiques) et la “traduction” d’un système de référence vers un autre. Mais le décodage des significations structurales nécessite une grille de lecture qui, elle aussi, paraît indissociable du point de vue de l’analyste en ce qu’elle repose sur un choix a priori et arbitraire de variables analytiques. Ceci conduit aux questions suivantes : Jusqu’à quel point les significations intrinsèques sont-elles inscrites dans l’oeuvre et accessibles, en dehors de tout processus interprétatif, à partir d’approches formalisées ? En quelle mesure significations intrinsèques et extrinsèques se conditionnent-elles mutuellement ? Quel est le statut de l’herméneutique dans l’appréhension des signes musicaux ?
À partir d’exemples musicaux et de situations analytiques concrètes, les interventions et les discussions exploreront la nature des signes convoqués, leur statut et les déductions possibles sur les particularités de la semiosis musicale. La perspective informatique, avec ses contraintes particulières en termes de formalisation et d’explicitation débouchera alors sur une réflexion plus générale sur les cadres théoriques et méthodologiques propices à l’appréhension de significations par le biais d’approches mixtes quantitatives-qualitatives.
2. Interventions
14h Introduction
14h15 Sémir Badir (FNRS, Traverses), « Quelques problèmes liés à une sémiotique musicale ».
Il s’agira dans cette intervention d’aborder quelques problèmes de sémiotique musicale par l’éclairage de la sémiotique générale. Cette dernière avance une théorie de la signification qu’on peut caractériser, d’une part, par l’attention qu’elle porte aux matérialités exprimant la signification ainsi qu'à leurs supports et, d’autre part, par sa finalité descriptive d’objets empiriques, finalité réglée sur une méthode d'analyse. Dans cette perspective, on part du principe que la musique n’a pas les mêmes propriétés que ces deux autres grands moyens d’expression que sont les langues et la peinture. Dégager de manière comparative les propriétés sémiotiques de la musique, ou du moins dégager les problèmes théoriques relatifs à leur hypothèse, pourra nous conduire vers une interrogation sur les possibilités de traitement automatique des œuvres musicales au regard des traitements automatiques de textes et d'images.
15h00 Mathieu Giraud (CNRS, CRIStAL – Algomus), « Méthodes et statut de l’analyse musicale computationnelle : retours d’expérience de l’équipe Algomus ».
Nos recherches en analyse computationnelle de la musique tonale visent à calculer, de manière automatisée ou semi-automatisée, une structure et une sémantique haut-niveau de formes musicales (fugue, forme sonate) en s’appuyant sur des éléments locaux (motifs et thèmes, cadences et progressions harmoniques, textures). L’intervention sera l’occasion de questionner ces méthodes, que ce soit pour la création de corpus, pour les algorithmes d’analyse et pour l'évaluation des résultats, ainsi que de discuter du positionnement disciplinaire de ces activités entre informatique et musicologie. J’évoquerai en particulier la complémentarité – ou parfois la confrontation – entre des approches explicites, à base de formalisation de connaissances analytiques a priori, et des approches utilisant l’apprentissage pour inférer des connaissances au moyen de corpus annotés.
15h45 Pause
16h15 Nicolas Meeùs (Sorbonne Université, IReMus), « Signification intrinsèque et signification extrinsèque en musique ».
Alors que le procès sémiotique avait été décrit depuis l'Antiquité comme un procès en deux phases, où le lien du signe au référent ne pouvait se faire que par la médiation du concept, le structuralisme a exclu la seconde phase, la référence, du domaine strict de la sémiotique. La sémiotique musicale, pour laquelle une concentration sur les significations intrinsèques aurait pu sembler particulièrement bienvenue, paraît au contraire avoir eu quelque peine à suivre ce mouvement. Benveniste en a conclu que la musique est une langue sans sémiotique; mais il a souligné aussi lui-même que l'autonomie de la sémiotique revendiquée par le structuralisme ne permettait pas l'analyse des phrases et des discours. Le balancier sémiotique s'est déplacé et, aujourd'hui, c'est souvent la première phase du procès, la signification intrinsèque, qui est négligée au bénéfice de la référence, affectée au signifiant par le récepteur (Lector in fabula). En musique, l'étude de la narrativité ou la théorie des topiques, qui dépendent d'éléments contextuels extérieurs, tiennent lieu d'une étude de la signification. Je voudrais montrer que, pourtant, depuis le 18e siècle au moins, les musiciens et les esthéticiens ont fait plusieurs fois allusion à l'importance de la signification intrinsèque, décrite en allemand sous le nom de Inhalt, puis en anglais sous celui de content. Je crois en outre que cette signification intrinsèque peut prendre une importance de premier plan dans l'application des techniques numériques à la musique.
17h00 Ariane Jeßulat (Universität der Künste Berlin), « Tonalité et intertextualité. La logique musicale selon la perspective herméneutique ».
L’intervention étudie la confrontation de perspectives tonale et herméneutique dans l’appréhension analytique d’une logique musicale. On connaît bien les traces d’une cryptographie musicale comme la formule célèbre B-A-C-H, mais il existe des méthodes et des signatures beaucoup plus intriquées qui sont susceptibles de troubler l’idée de la tonalité comme prémisse d’une logique musicale. Dans la musique de Felix Mendelssohn Bartholdy et de Johannes Brahms, en particulier, se rencontrent des formules figées qui se soustraient à une logique tonale (en termes de modulation, cadence etc.) soit à cause de références intertextuelles soit de principes "sériels" anachroniques.
De l’autre côté, la musique de l’avant-garde après 1960 – à commencer par celle de Dieter Schnebel – peut enchaîner la musique traditionnelle (de Robert Schumann par exemple) avec un dispositif sériel : les paramètres en apparence tonals ne le sont plus réellement à cause d’une déconstruction (en non pas d’une destruction) du contexte tonal, bien que les partitions ne présentent que des « sonorités tonales ».
Maison de la Recherche, 28 rue Serpente, 75006 Paris, salle D040.
Immanence vs. interprétation contextuelle ? Le point de vue de la musicologie numérique sur l’appréhension de la signification et du sens.
Séminaire libre dans la limite des places disponibles. Veuillez confirmer votre participation avant mardi 15 janvier 2019 à cette adresse.
Séance en collaboration avec le projet MUNIR.
1. Argumentaire
L’exploration d’œuvres musicales, de représentations iconographiques ou encore de sources théoriques, dans le cadre d’une musicologie générale, ne peut faire l’impasse sur la prise en compte des contextes. Il s’agit d’une part de contextes de production et de réception et, de l’autre, de la signification contextuelle d’unités de sens au sein d’ensembles plus vastes (partitions, corpus iconographiques, écrits théoriques etc.).
Le choix méthodologique entre l’analyse contextuelle et l’analyse immanente semble a priori indépendant du problème de la nature des significations, qui peuvent être ontologiques (inscrites dans l'objet qu'elles dénotent) ou nominalistes (dépendantes de la méthode). Mais il existe des liens possibles entre ces choix méthodologiques et ces statuts de signification si l’on considère que « tout signifié résulte d'un parcours interprétatif : il n'est ni découvert, ni inventé, mais constitué dans une interaction entre le texte et l'interprète » (Rastier 1994, 1.2. b). Ces liens entre texte et interprète ont des implications fortes sur les principes épistémologiques et sur les régimes d’évidence qui sous-tendent l’appréhension des contenus.
En 1975 Jean-Jacques Nattiez proclamait la « mort de la structure » sur la base de deux constats : 1. que « ‘découvrir une structure’ consiste à faire un choix a priori et abstrait d’interprétants » et 2. que la description structurale implique un « aplatissement » des différents niveaux de pertinence stylistiques et un écrasement des contextes interprétatifs (Nattiez 1975, p. 404). En s’appropriant la tripartition de Jean Molino, le programme sémiotique alors proposé apporte une réponse efficace à un pan important du problème contextuel en instaurant une relation dialectique entre les niveaux poïétique, neutre et esthésique. Cette réponse laisse ouverte toutefois la question de l’organisation systémique – et donc contextuelle – des signes au sein même du niveau neutre (Lidov 2005, p. 88), si l’on considère que « le sens d’une unité linguistique se définit comme sa capacité d’intégrer une unité de niveau supérieur » (Benveniste 1966, p. 126). Par ailleurs, plus que le concept de structure, c’est la branche spécifiquement ontologique du structuralisme qui semble exclure une prise en compte des contextes interprétatifs au profit d’un point de vue purement immanentiste (Eco 1972, Rastier 2006).
La sémantique interprétative (Rastier 1987), en ce qu’elle est axée sur l’étude globalisante du texte plutôt que sur les signes individuels, permet une contextualisation maximale. À travers l’introduction d’un niveau herméneutique, elle est sensible non seulement aux circonstances de production et de réception mais aussi aux contextes inhérents aux textes. Ce cadre théorique annihile deux dichotomies : la conception du sens comme une relation entre sujet et objet et l’opposition entre émetteur et récepteur (Rastier 1994, section II). La sémantique interprétative se concrétise à travers des outils opérationnels pour l’analyse des langues naturelles. Son application à des sources musicales, où le niveau référentiel acquiert un statut très différent, pose toutefois des questions complexes.
Ce séminaire vise à (ré-)explorer les questions suivantes (sans limitation) afin d’identifier les modèles de production de connaissances contextualisées applicables dans le cadre d’une musicologie générale qui s’approprie les méthodes des humanités numériques :
2. Interventions
Introduction – Christophe Guillotel-Nothmann (IReMus, CNRS).
Nicolas Meeùs (IReMus, Sorbonne Université), « L'analyse immanente est-elle possible ? ».
Ian Bent, dans le New Grove Online, propose de l’analyse musicale cette définition générale : « la partie de l’étude de la musique qui prend pour point de départ la musique elle-même, plutôt que des facteurs extérieurs ». Il semble utopique pourtant d’étudier la musique sans qu’interviennent des facteurs extérieurs, en premier lieu les présupposés de l’analyste lui-même et, peut-être aussi, des éléments contextuels liés à l’œuvre analysée. Je m’interrogerai donc dans cette intervention sur la possibilité d’une analyse « immanente », sur ce qu’il faut entendre par là, et sur la définition de l'analyse qui en découle.
Jean-Jacques Nattiez (Faculté de Musique, Université de Montréal), « L’étude des structures musicales et des contextes dans la musicologie générale : par où commencer ? ».
En musicologie comme en ethnomusicologie, les objectifs de nos disciplines se partagent en deux grandes tendances : celles qui mettent l’accent, exclusivement ou en grande partie, sur les structures immanentes des œuvres ; celles qui pensent pouvoir expliquer le musical par ses contextes « externes » (historiques, culturels, sociaux). Dans le cadre de la musicologie générale que je défends et considérant que ces deux approches sont nécessaires et complémentaires, la question pour moi est de savoir comment les aborder et les mettre en relation. Dans mon livre Analyses musicales et interprétations de la musique. La mélodie du berger du Tristan et Isolde de Richard Wagner (Vrin, 2013), j’ai pris le parti de commencer l’approche par les structures immanentes pour ensuite en relier les données avec les contextes. En m’appuyant sur le chapitre de conclusion de ce travail, je défendrai la méthodologie suivie et serai heureux de discuter toutes les objections qui pourront m’être adressées à ce sujet.
François Rastier (CNRS, INaLCO-ERTIM), « Structures, œuvres et corpus ».
Sur le mode de l'entretien, la contribution commencera par aborder la question de la dualité entre structures "immanentes" et variations contextuelles. Ensuite, le problème des sémiotiques monoplanes sera reconsidéré à la lumière de la théorie saussurienne des dualités. Enfin, les questions de création seront posées en termes « opératiques » : germes structurels, prises de forme et individuations. Pour conclure, les corpus et les méthodes comparatistes seront abordés en précisant le rôle du structuralisme et des sciences de la culture aujourd'hui.
Enregistrements audio
Enregistrements vidéo
Introduction de Christophe Guillotel-Nothmann
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Intervention de Nicolas Meeùs
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Intervention de Jean-Jacques Nattiez
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Entretien avec François Rastier
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Références citées et bibliographie sélective
Institut de Recherche en Musicologie, 2 rue de Louvois, 75002 Paris, salle de conférence.
Les théories musicales et leurs concepts (I) : Identification, analyse et définition de concepts dans la théorie musicale des premiers temps modernes.
Introduction
1. Argumentaire
Contrairement à un préjugé encore tenace, la lecture des théories anciennes dans leurs propres termes et dans leur contexte historique ne suffit à reconstituer fidèlement ni la pensée de l’époque, ni l’environnement socio-culturel dont elles émanent, ni encore l’organisation du langage musical. Là où la seule prise en compte des écrits théoriques et des partitions ne permet pas de cerner complètement certaines mutations pourtant décisives – par exemple le concept de ‘modalité’ – la lecture critique et orientée des sources, nourrie de notre point de vue actuel, est susceptible de faire émerger des hypothèses qu’il devient alors possible de vérifier, d’infirmer et d’affiner par d’autres lectures et analyses. Le concept de ‘modalité’, qui n’est probablement pas antérieur au xxe siècle, peut ainsi émerger de cette démarche interprétative et éclairer le langage musical de la Renaissance et le passage à la ‘tonalité’ – dont la notion n’apparaît pourtant elle-même qu’au début du xixe siècle. L’étude des concepts à partir d’une lecture du xxie siècle des écrits théoriques anciens s’avère ainsi indispensable à notre compréhension du langage musical en lien avec ses contextes idéologiques.
Les programmes de numérisation massive, engagés au sein des grandes institutions du livre, ont profondément transformé l’accès aux sources. Les éditions électroniques – par exemple celles du TML, TMI, TRéMIR, TMG ou EMT – offrent des possibilités d’interrogation et de lecture fine des écrits. L’environnement du web apporte un cadre propice à l’annotation critique et collaborative des sources. Les outils de fouille sémantique dégagent des perspectives pour l’exploration systématique de grands corpus. Enfin, les connaissances extraites des sources peuvent déboucher sur une formalisation des savoirs dotée de puissance heuristique.
L’objectif de cette séance consiste à cerner l’apport de la musicologie numérique à l’identification, l’analyse et la définition de concepts dans les traités des premiers temps modernes. Dans un contexte où les mots restent les mêmes – par exemple systema, modus, tonus, transpositio – alors que leurs significations changent en profondeur, à la fois d’un traité contemporain à l’autre et sur l’axe temporel, il s’agit de porter un regard méthodologique et épistémologique renouvelé sur les points suivants :
2. Interventions
14h Introduction
14h15 Frans Wiering (Department of Information and Computing Sciences, Utrecht University, Netherlands), « Close and distant reading of music theory ».
In the late 1990s I embarked on a project to digitise Gioseffo Zarlino’s music-theoretical writings, They formed one of the cores of the Thesaurus musicarum italicarum (http://tmiweb.science.uu.nl/), which now contains over 30 digitised music treatises from the 16th-18th centuries. The general idea of the project was to make the treatises better accessible by providing corrected, lightly edited texts shown in various ‘views', illustrations, linking, annotations, and search functionality. In effect, we created scholarly hypertexts. Even though the hope was that treatises would be less selectively studied, it is easy to observe with hindsight that we were enhancing close reading. With the advent of large text corpora, however, a new approach to source study has emerged as well, which Franco Moretti dubbed ‘distant reading’. Distant reading takes as its starting point that it is not humanly possible to read all relevant materials in their entirety. Nor is this necessary, because by using techniques from computational linguistics and big data analysis we may find meaningful patterns that would otherwise go unnoticed. While I haven’t systematically done any such analysis on the (not so big) corpora of digitised music treatises, I will report a few initial experiments and speculate about their potential for the study of the history of music-theoretical concepts.
15h Nahoko Sekimoto (IReMus, Sorbonne Université), « Entre terme et concept : le cas des « 8 modes » dans les traités de musique en français de 1550 à 1768 ».
Le processus du passage de la conception modale à la conception tonale a lieu progressivement entre le xvie et le xviiie siècles. La présente recherche a pour objectif d’éclairer ce changement conceptuel tel qu’il se manifeste dans la terminologie des traités de musique en français de 1550 à 1768, et dans les concepts que les termes dénotent. Afin de procéder à l’étude du concept de « mode », il n’est pas suffisant de se focaliser sur le concept isolé dénoté par le mot, mais il est primordial d’élargir l’objet de recherche aux concepts connotés. Si le mot « mode » semble parfois polysémique, cela tient souvent plus à d’autres mots qui l’accompagnent, par exemple les chiffres 8 (« 8 modes ») ou 12 (« 12 modes »), ou encore les mots « psalmodique » ou « d’Église », qu’à « mode » lui-même. En plus de cette variabilité du concept (résultat de la polysémie du mot lui-même, de ceux qui lui sont associés, ou de leur combinaison), il faut prendre en considération la variabilité des termes : des signifiants différents peuvent dénoter un même signifié et connoter les mêmes concepts associés. Compte tenu de cette double instabilité, est-il vraiment possible d’identifier des concepts immanents (et éventuellement un noyau de sens commun), tout en tenant compte de leur variabilité en fonction de l’auteur, de la période et du contexte ?
15h45 Christophe Guillotel-Nothmann (IReMus, CNRS), « Une histoire numérique des concepts relatifs à la modalité et à la tonalité : chances et défis ».
Depuis près d’un siècle, l’histoire des concepts – l’exploration critique et systématique du changement de signification d’un terme au cours de son histoire – figure parmi les paradigmes historiques prédominants. Aujourd’hui, la numérisation massive des sources théoriques anciennes, les possibilités de leur interrogation informatisée, et les perspectives qui se dégagent pour la formalisation des connaissances constituent à la fois des nouvelles chances et des nouveaux défis pour une histoire problématisée des concepts.
Il en va ainsi pour la théorie musicale, notamment pour la théorie modale et tonale dans ses interactions multiples et complexes avec les répertoires et les contextes idéologiques. À partir d’un échantillon limité de sources des premiers temps modernes (Dressler 1563/1564, Praetorius 1619, Matthaei 1652 et Werckmeister 1707), cette intervention sonde les possibilités et limites des ontologies informatiques pour l’exploration, la formalisation et l’étude historique de concepts ayant trait à la modalité et à la tonalité.
Actuellement, en dépit des apports d’une telle démarche – notamment au niveau de la gestion de l’instabilité terminologique, des renvois aux sources et de la comparaison des différents édifices conceptuels –, le standard OWL atteint rapidement ses limites lorsqu’il s’agit d’aboutir à une production dynamique, critique et située de connaissances. Sur la base de ce constat provisoire, mon intervention tente d’identifier certains besoins méthodologiques et disciplinaires d’une histoire numérique des concepts en musicologie.
16h30 Discussion
Institut de Recherche en Musicologie, 2 rue de Louvois, 75002 Paris, salle de conférence.
Les théories musicales et leurs concepts (II) : Perspectives translinguistiques et transculturelles.
14h30 Anas Ghrab (Université de Sousse, Institut supérieur de musique ), « Constituer un vocabulaire numérique multiculturel de la théorie musicale médiévale : réflexions méthodologiques et épistémologiques ».
Dans le cadre du projet Musicomed, visant à aborder l’histoire de la musique médiévale dans l’espace méditerranéen à partir de sources multiculturelles, il est nécessaire d’analyser la question de la gestion numérique des sources textuelles en plusieurs langues. Nous présentons pendant cette séance du séminaire l’ébauche d’un glossaire multilingue (grec / arabe / latin) des termes liés à la théorie musicale, ainsi que la méthodologie de sa gestion au moyen du standard W3C SKOS et sa mise en relation avec l'édition numérique des textes en TEI. On se posera également la question de son extension en une ontologie OWL, dans le cadre d’une formalisation des concepts.
Références bibliographiques
15h30 Discussion
Cette séance est reportée à une date ultérieure qui sera communiquée prochainement.
Institut de Recherche en Musicologie, 2 rue de Louvois, 75002 Paris, salle de conférence.
Les théories musicales et leurs concepts (III) : Approches lexicogrpahiques – terminologies latine et française
14h30 Michael Bernhard (Bayerische Akademie der Wissenschaften), « The Lexicon musicum Latinum medii aevi of the Bavarian Academy of Sciences and Humanities as pioneer of digital humanities ».
The Lexicon musicum Latinum medii aevi (LmL) was founded in 1960 to work out a dictionary of specialized musical terms from the Latin Middle Ages. From its very inception the LmL was predicated on the consistent use of electronic data processing, at that time only for producing alphabetical word lists from medieval texts on music theory, which should serve as basis for the dictionary. After the introduction of PCs a customised database program was developed into an effective research instrument. From 1990 to 2016 the LmL was worked out, since 2011 a digital version was produced.
The textual basis for the LmL is limited to technical literature, that is, to music-theoretical texts from the 9th century to 1500, taking note as well of more ancient Latin texts insofar as they influenced the formation of medieval theory.
The choice of lemmata for the LmL is limited to words, which have a genuine musical meaning, words, which have a special meaning in musical context, and words, which are used exceptionally in comparison with the general usage.
Articles in the LmL are subdivided according to (different) meanings, different facets of usage, and definite orbits of usage. The historical context, that is, the origin and history of the term, its reception and local peculiarities must also be documented.
The articles were written with Microsoft Word, and transferred to a professional type-setting program (PC–TEX) with ready to print layout. The printed version is available online free of charge at http://publikationen.badw.de/de/025743667.pdf and http://publikationen.badw.de/de/023021371.pdf . The PC-TEX file was transferred since 2011 into a network of dictionaries developed by the Trier Center for Digital Humanities: http://woerterbuchnetz.de/cgi-bin/WBNetz/wbgui_py?sigle=LmL. All databases, including the textual database of the LmL, medieval manuscripts (by Christian Meyer, CNRS), and secondary literature on medieval music theory are available online at: http://www.lml.badw.de/en/lml-digital/databases.html
With all the material different prospects are conceivable: a network of Latin dictionaries is planned, the continuation of collecting medieval texts and the incorporation of texts from the 16th and 17th centuries could be considered desirable.
15h30 Raphaëlle Legrand (IReMus), « Terminologie et analyse historicisée des musiques des XVIIe et XVIIIe siècles en France ».
Présentation d’un ouvrage à paraître prochainement chez Vrin : La musique baroque en France. Clefs pour une analyse historicisée, co-écrit par Raphaëlle Legrand, Françoise Depersin, Marie Demeilliez et Théodora Psychoyou, avec la collaboration de Bertrand Porot. Il s’agit, à partir d’une étude sélective du lexique musical français des XVIIe et XVIIIe siècles, de Mersenne à J.-J. Rousseau, de dégager des pistes pour l’analyse des musiques de la même période et de la même zone géographique.
16h30 Pause
17h Discussion générale en lien avec les projets actuels à l'IReMus
Institut de Recherche en Musicologie, 2 rue de Louvois, 75002 Paris, salle de conférence et sur Zoom.
Performance, expressivité et perception à travers quelques approches empiriques et systématiques
14h30 Erica Bisesi (Université de Montréal), Sylvain Caron (Université de Montréal, OICRM), « Les Folies françoises de François Couperin : mise en contexte des titres et analyse computationnelle de l’expression »
Selon le modèle du champ expressif d’une œuvre (Crispin et Österjö 2017), des aspects comme les accents immanents et performés, le genre musical, les annotations expressives, le titre et les associations sémantiques liées à des contenus extramusicaux – selon les différents lieux et époques – sont maintenant pris en compte. Ce qui engendre l’expérience musicale relève d’une combinaison subtile d’éléments pouvant être initialement considérés de manière séparée : données qualitatives et quantitatives, sources anciennes et enquête sur les publics d’aujourd’hui, analyse des courbes de tempo et traitement computationnel des paramètres sonores (MIR – Music information retrieval, voir Müller 2015). Comment relier des données de nature aussi différente afin de comprendre l’expression en tant que phénomène global?
Notre étude se penche sur le cas des Folies françoises de François Couperin (1722). Nous avons d’abord interrogé les écrits de l’époque (notamment Descartes 1649) afin de dégager des liens entre les titres et les caractéristiques expressives de l’œuvre. Nous avons traduit en valence et en activation les différents affects identifiés. Nous avons ensuite compilé les résultats d’une enquête réalisée auprès du public d’aujourd’hui sur la signification des titres. Enfin, nous nous sommes tournés vers l’étude de la performance : comment les interprètes prennent-ils en charge ces indications de caractère dans leur rendu expressif, tout en tenant compte des caractéristiques des publics d’aujourd’hui ? Cinq interprétations ont été retenues : Olivier Baumont (1992-1994), Pierre Hantaï, (2007) Scott Ross (1978-1979), Noëlle Spieth (1990-2003) et Angela Hewitt (2003-2004), cette dernière version étant faite au piano et non au clavecin.
Nos recherches nous ont permis de développer une méthode pour systématiser les multiples éléments étudiés et pour les traiter avec les ressources computationnelles d’aujourd’hui. Afin de pouvoir comparer toutes ces données, nous avons dû quantifier le plus objectivement possible des éléments tels que la perception des titres par le public et la formulation des affects à partir d’écrits du temps de Couperin. Établir des équivalences entre le qualitatif et le quantitatif pose des limites, certes, mais cette démarche est nécessaire pour établir avec rigueur des indices de comparaison, puisqu’elle permet une mise en relation objective d’aspects liés à la signification, aux émotions et à la performance.
Un second volet de notre méthodologie consiste à produire des données statistiques et à les traduire en représentations graphiques. Nous pouvons ainsi représenter et mettre en série les résultats obtenus par l’analyse du signal sonore : tempo, dynamique, rugosité, clarté tonale et luminosité. Les fichiers sonores ont été traités dans MIR Toolbox (version 1.7.2) et les données ont été implémentées dans MatLab (Lartillot 2009). Les courbes de tempo ont été produite à partir de Sonic Visualiser (version 4.2) puis traitées dans Excel. Nous avons pu ainsi établir un profil pour les différents interprètes et nous demander dans quelle mesure et de quelle manière ils sont conformes, tout au long de la séquence de couplets, aux valeurs prédites pour la valence et l’activation associées aux titres.
Les conclusions auxquelles nous sommes parvenus ne nous ont pas permis d’identifier de corrélation significative entre l’enquête et l’analyse des interprétations quant à la valence. Par contre, les résultats sur l’activation ont été probants, même si les 5 interprétations sont différentes. La prochaine étape de notre recherche sera d’intégrer l’analyse computationnelle de la structure musicale à notre modèle.
Bibliographie sélective
Akoglu, Haldun (2018), « User's guide to correlation coefficients », dans Turkish Journal of Emergency Medicine, vol. 18, no 3, p. 91-93.
Bisesi, Erica; Friberg, Anders; et Parncutt, Richard (2019), « A computational model of immanent accent salience in tonal music », dans Frontiers of Psychology – Performance Science, vol. 10, no. 317, p. 1-19.
Braun, Lucinde (2009), « À la recherche de François Couperin », dans Revue de Musicologie, vol. 95, no 1, p. 37-63.
Caron, Sylvain; Bisesi, Erica; et Traube, Caroline (2019), « Analyser l'interprétation : Une étude comparative des variations de tempo dans le premier prélude de L'Art de toucher le clavecin de François Couperin », dans Philippe Lalitte (dir.), Musique et Cognition. Perspectives pour l'analyse et la performance musicales, Éditions Universitaires de Dijon, p. 233-266.
Cook, Nicholas, (2001), « Analysing Performance, Performance Analysis », dans Nicholas Cook et Mark Everist, Rethinking Music, Oxford University Press, p. 238-261.
Crispin, Darla, et Östersjö, Stefan (2017), « Musical expression from conception to reception », dans John Rink (dir.), Musicians in the Making, Oxford University Press, p. 288-302.
Godøy, Rolf Inge (2013), « Shape Cognition and Temporal, Instrumental and Cognitive Constraints on Tonality. Public Peer Review of "Tonality: The Shape of Affect" by Mine Doğantan-Dack », dans Empirical Musicology Review, vol. 8 no 3-4, p. 223-226.
Juslin, Patrik, et Laukka, Petri (2003), « Communication of Emotions in Vocal Expression and Music Performance: Different Channels, Same Code? », dans Psychological Bulletin, vol. 29 no 5, p. 770-814.
Leech-Wilkinson, Daniel, et Prior, Helen M. (2017), Music and Shape, Oxford University Press.
Mann, Henry B., et Withney, Donald R. (1947), « On a test of whether one of two random variables is stochastically larger than the other », dans Annals of Mathematical Statistics, vol. 18, no 1, p. 50-60.
McKnight, Patrick E., et Nnajab, Julius (2010), « Mann-Whitney U Test », dans The Corsini Encyclopedia of Psychology, Hobokem (New Jersey), John Wiley & Sons, Inc.
Müller, Meinard (2015), Fundamentals of Music Processing – Audio Analysis, Algorithms, Applications, New York, Springer.
Sloboda, John (1991), « Music Structure and Emotional Response: Some Empirical Findings », dans Psychology of Music, vol. 19, p. 110-120.
Snyder, Caitlin E. (2010), Pattern and meaning in François Couperin’s Pieces de clavecin, Thèse de doctorat, University of Oregon.
Wilcoxon, Frank (1945), « Individual comparison by ranking methods », dans Biometrics Bulletin, vol. 1, no 6, p. 80-83.
Sources
Courcillon, Philippe, Marquis de Dangeau, Journal du Marquis de Dangeau, publié en entier pour la première fois MM. Soulié, Dussieux, De Chennevières, Mants, De Montaiglon, avec les additions inédites du duc de Saint-Simon, tome septième (1699-1700), Paris, Firmin Didot Frères, Fils et Cie, 1856.
Descartes, René (1649), Les Passions de l’âme, Paris, Henry Le Gras.
Furetière, Antoine (1690), Dictionnaire universel contenant généralement tous les mots françois, tant vieux que modernes, et les termes de toutes les sciences et des arts, La Haye et Rotterdam, chez Arnout & Reinier Leers.
Rameau, Jean-Philippe (1722), Traité de l’harmonie réduite à ses principes naturels, Paris, Ballard.
Rameau, Jean-Philippe (1754), Observations sur notre instinct pour la musique, Paris, Prault.
Outils computationnels
Lartillot, Olivier (2019), MIRtoolbox 1.7.2., Université de Jyväskylä, Finlande.
Cannam, Chris; Landone, Christian; et Sandler, Mark (2010), « Sonic Visualiser: An Open Source Application for Viewing, Analysing, and Annotating Music Audio Files », dans Proceedings of the ACM Multimedia 2010 International Conference, Florence, Italie.
Enregistrements audios
Baumont, Olivier (1992-1994), François Couperin : intégrale des œuvres pour clavecin, 10 disques compacts, Erato.
Hantaï, Pierre (2007), François Couperin : Pièces de clavecin, disque compact, Mirare.
Hewitt, Angela (2003-2004), François Couperin: Keyboard Music, 3 disques compacts, Hyperion.
Ross, Scott (1978-1979), François Couperin : Pièces de clavecin, 8 disques 33 tours transformés en fichiers numériques, Stil.
Spieth, Noëlle (1990-2003), François Couperin : L’œuvre de clavecin, 10 disques compacts, Solstice.
15h30 Pause
15h45 Philippe Lalitte (Sorbonne Université, IReMus UMR 8223), « Durée et tempo dans les enregistrements du Sacre du printemps de Stravinsky ».
Le Sacre du printemps (1913) d’Igor Stravinsky est sa première œuvre gravée pour le disque (Goossens, Hollywood Bowl Orchestra, répétition, 1928 ; Monteux, Orchestre symphonique de Paris, 1929) et l’une des plus enregistrées avec Petrouchka et L’Oiseau de feu. Actuellement, on compte plus de 180 références discographiques sans compter les versions pianistiques et les divers arrangements. Stravinsky, qui avait une idée très précise de la façon dont ses œuvres doivent sonner, a lui-même enregistré quatre versions du Sacre (Orchestre des Concerts Straram, 1929 ; New York Philharmonic, 1940 ; Sinfonieorchester des Norddeutschen Rundfunks, 1958 ; Columbia Symphony Orchestra, 1960). Le compositeur russe est connu pour ses exigences envers les interprètes quant au strict respect des tempi. Cependant, ses propres enregistrements, qu’il considérait comme des modèles à suivre, ne respectent pas toujours ses indications, si bien que leur valeur en tant que référence a fait l’objet de nombreux débats parmi les critiques et les musicologues. Tous les plus grands chefs d’orchestre de phalanges internationales, abordant le répertoire d’orchestre du XXe siècle, ont enregistré l’œuvre, certains plusieurs fois au cours de leur carrière (Markevich 8 fois, Monteux et Bernstein 6 fois, Boulez 5 fois, Craft et Gergiev 4 fois, Dorati 3 fois, Ansermet 2 fois…). Dans la foulée des enregistrements produits pour l’occasion du centenaire de l’œuvre, deux chefs ont tenté une « re-création » de la version jouée le 29 mai 1913 (Zinman, Tonale Orchestra Zurich, 2013 ; Roth, Les siècles, sur instruments d’époque, 2013). Le Sacre du printemps constitue donc un cas particulièrement intéressant pour la musicologie de l’interprétation (Cook, 2003 ; Cyr, 1982 ; Fink, 1999 ; Heisler Buxbaum, 1988 ; Hill, 2000 ; Stollberg, 2013 ; Walsh, 1989).
Cette recherche se donne pour objectif d’examiner à nouveaux frais l’évolution de l’interprétation du Sacre des points de vue de la durée des enregistrements et du tempo. Existe-il une « standardisation » des tempi au cours du temps ? Les enregistrements historiques sont-ils plus courts ou au contraire plus longs que les enregistrements récents ? Dans quelles sections de l’œuvre observe-t-on le plus d’écarts entre les différentes versions et pour quelles raisons ? Dans quelle mesure les tempi des enregistrements de Stravinsky diffèrent-ils entre eux ? Les chefs qui ont enregistrés au moins deux fois Le Sacre font-ils preuve de constance dans leurs choix de tempi ? Les tempi des chefs proches du compositeur (Monteux, Ansermet, Craft) sont-ils équivalents à ceux de Stravinsky ? Les choix de tempi du compositeur ont-ils eu une influence sur les autres générations de chefs ? Les interprétations récentes cherchant à reconstituer la création de 1913 (Zinman 2013, Roth, 2013) ont-elles des tempi proches de ceux des premiers enregistrements (Monteux, 1929 ; Stravinsky, 1929 ; Stokowski, 1930) ? Nous tenterons de répondre à ces questions à partir d’un corpus représentatif constitué de 66 enregistrements du Sacre répartis sur 89 ans (1929-2018).
Document associés à la présentation: Graphique observations
Bibliographie
Cook, Nicholas (2003), « Stravinsky Conducts Stravinsky », dans Jonathan Cross (Ed.), The Cambridge Companion to Stravinsky, Cambridge, Cambridge University Press, p. 176-191.
Cyr, Louis (1982), « Le Sacre du Printemps : Petite histoire d’une grande partition », dans François Lesure (Ed.), Stravinsky. Études et témoignages, Paris, Jean-Claude Lattès, p. 91-147
Heisler Buxbaum, Erica (1988), « Stravinsky, Tempo and Le Sacre », Performance Practice Review, n° 1, p. 61-70.
Hill, Peter (2000), Stravinsky : The Rite of Spring, Cambridge Music Handbook, Cambridge, Cambridge University Press.
Fink, Robert (1999), « “Rigoroso (cr = 126)” : The Rite of Spring and the Forging of a Modernist Style », Journal of the American Musicology Society, Vol. 52, n° 2, p. 299-350.
Stollberg, Arne (2013), « “Sim not dim” : Execution and interpretation in recordings of The Rite since 1929 », dans Hermann Danuser et Heidy Zimmermann (Eds.), Avatar of Modernity. The Rite of Spring Reconsidered, London, Boosey & Hawkes, p. 263-283.
Walsh, Stephen (1989), « First Rites for Stravinsky », The Musical Times, Vol. 130, n° 1759, p. 538-539.
Institut de recherche en Musicologie (UMR 8223)
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Tél : +33 1 53 10 57 00