La New Musicology, révolutionnaire en son temps pour son ouverture aux sciences humaines, en particulier à l’anthropologie culturelle, s’est aujourd’hui instituée, par ses diverses ramifications et extensions, comme un mode de pensée dominant dans l’étude de la musique.
L’expression « Paradigme New Musicology » désigne cet ensemble, principalement anglophone, réservant une place majeure au langage, réfutant à l’œuvre son autonomie, pour en appeler finalement, comme le résume le titre de Kevin Korsyn, à Décentrer la musique. L’auteur examine d’abord ce courant pour en déterminer quelques caractéristiques centrales, comme l’« herméneutique du soupçon ». Puis, analysant la peur de la musique et de ses effets qui se cacherait derrière ce paradigme, Laurent Cugny plaide pour une réappropriation de la musique par elle-même, en reconnaissant son autonomie, sa transcendance et la liberté du musicien créateur, dont les déterminations de tous ordres (familial, social, politique, culturel…) formeraient un terrain plutôt qu’une fatalité.
Ce texte s’adresse tout autant à celles et ceux qui chercheraient un nouvel éclairage sur les mots de culturalisme, postmodernisme, poststructuralisme, aux étudiantes et étudiants qui trouveront une présentation historicisée des théories du sens en musique, du concept d’autonomie, des conceptions des effets de la musique qu’aux musicologues s’interrogeant sur le présent de leur discipline.
Ce volume s’inscrit dans un projet plus large, se donnant pour ligne, comme l’indique son titre, de Recentrer la musique, après la longue période de domination d’un décentrement prôné par la New Musicology et ses prolongements. Après avoir exposé dans un premier volume publié en 2021 les fondamentaux de la Théorie des musiques audiotactiles et passé en revue les différentes théories de l’ontologie de l’œuvre musicale, l’auteur proposera, dans un troisième tome, un cadre renouvelé pour l’analyse musicale et l’appliquera à l’étude de quatre musiciens afro-américains comptant parmi les figures les plus importantes du jazz : Miles Davis, John Coltrane, Sonny Rollins, Ornette Coleman, dont les trajectoires musicales sont différentes malgré une origine culturelle, temporelle et géographique commune.
Laurent Cugny est professeur à la Faculté des Lettres de Sorbonne université, spécialiste de jazz.
Il est notamment l’auteur de Las Vegas Tango – Une vie de Gil Evans (1989), Électrique – Miles Davis 1968-1975 (1993, réédition 2019), Analyser le jazz (2009, traduction Mississippi University Press 2019), Une Histoire du jazz en France vol. 1 : du milieu du xixe siècle à 1929 (2014), Hugues Panassié – L’œuvre panassiéenne et sa réception (2017).
Comme musicien, il a joué et enregistré avec Gil Evans (1987), été directeur musical de l’Orchestre national de jazz (1994-1997), a créé et dirigé le Gil Evans Paris Workshop (2014-2018) et dirige aujourd’hui le Tentet de Laurent Cugny. Il a été arrangeur dans de nombreux enregistrements (notamment pour Abbey Lincoln, Juliette Gréco, David Linx).
Il est également l’auteur de l’opéra-jazz La Tectonique des nuages (créé à Nantes en 2015).
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