Soutenu par l’Agence Nationale de la Recherche dans le cadre de l’appel à projet La Création : Acteurs, Objets, Contextes (décembre 2008-juin 2013).
Le détail des activités, publications, et les documents en ligne poduits dans le cadre de ce projet ANR sont maintenant accessibles sur le site du Réseau Muséfrem, et sur le carnet de recherche https://musefrem.hypotheses.org/
La connaissance de la musique d’Église des XVIIe et XVIIIe siècles est placée en France sous le signe d’un étrange paradoxe. Depuis plusieurs décennies, un réel engouement du public pour « le baroque », dont témoigne le succès des enregistrements discographiques ou des festivals, accompagne le mouvement de relecture d’œuvres connues et de redécouverte de compositeurs oubliés. Des chefs et des ensembles proposent des interprétations placées sous le signe de l’authenticité, utilisent les instruments anciens et tentent de remettre à l’honneur les pratiques instrumentales et vocales en usage au moment de la composition et de la réalisation des pièces, ce qui constitue une recherche en soi.
De son côté, la recherche académique dans les disciplines intéressées est loin d’avoir avancé du même pas. La plupart des études ne concernent que les figures de proue du répertoire et privilégient les productions et les genres de la musique profane. Il apparaît que le domaine de la musique d’Église, sans être totalement négligé, n’a pas encore suscité des travaux à la hauteur de la place qui était la sienne dans la création du temps : tout au long des XVIIe et XVIIIe siècles, dans les 130 à 136 cathédrales du royaume, comme dans un grand nombre d’églises collégiales ou pour des couvents, des maîtres ont composé de manière continue, sensibles aux évolutions culturelles et esthétiques, mais aussi tenus par les contraintes du cadre d’exercice de leur activité, nourrissant leur création de la circulation de modèles et de l’expérience acquise par leur fréquente itinérance.
Présenté par des historiens et des musicologues travaillant en étroite association, ce projet de recherche se donne pour ambition de comprendre en profondeur les mécanismes et les enjeux de ce secteur de la création, en l’appréhendant dans sa globalité, sans se restreindre aux compositeurs et aux œuvres les plus notoires. La recherche, qui intègrera les aspects compositionnels dans leur interaction avec les contextes culturels, sociaux, voire économiques et politiques, se propose aussi de définir les conditions propres liées à sa dimension cultuelle. Plus fondamentalement sans doute qu’en d’autres de ses secteurs, la création, qui est au cœur de ce projet de recherche, procède d’une « interaction entre mémoire, tradition et invention ». Outre son intérêt scientifique, ce projet devrait avoir des effets directs sur les productions de ces musiques dans le contexte culturel d’aujourd’hui.
Composition de l’équipe : Cécile Davy-Rigaux (CR, IRPMF), Nathalie Berton-Blivet (IE, IRPMF), Jean-Paul Montagnier (prof. Université de Nancy, IRPMF), David Penot (T, IRPMF). Collaborateurs : Monique Brulin (prof. Institut catholique Paris), Marie Demeilliez (post-doc. Université Paris IV), Fabien Guilloux (chercheur CESR) ; Benoît Michel (doctorant EPHE, IE CMBV) ; musiciens de l’ensemble Vox cantoris (dir. Jean-Christophe Candau).
L’étude de la création des musiques d’Église mène à prendre en considération le double point de vue du cadre législatif ou prescriptif fixé par les autorités religieuses, et celui du cadre liturgique avec ses impératifs propres, variables selon les lieux et le temps.
Ce cadre ecclésiastique s’établit au gré des réglementations et coutumes particulières du lieu, qui varient selon qu’il s’agit d’une église cathédrale ou collégiale, d’une paroisse, d’un couvent de tel ou tel ordre ancien ou nouveau, réformé ou non, masculin ou féminin ; il impose un cadre aux interventions musicales par le calendrier de l’année liturgique et l’ordre des offices de la journée, par la durée variable des cérémonies, mais aussi, à un moindre degré, des textes (latins) anciens ou nouveaux, des alternances, des effectifs vocaux et instrumentaux et le choix de genres ou de styles musicaux.
De telles contraintes ne constituent pas pour autant un obstacle à la créativité si l’on en juge par l’immense production de musique polyphonique, le renouvellement des genres, le développement sans précédent de la musique d’orgue, la création de nouveaux chants ecclésiastiques — dont les plains-chants dits musicaux —, destinés dans certains lieux ou temps à remplacer le chant grégorien, ou les révisions multiples de ce dernier dans le contexte du développement de l’érudition ecclésiastique, ou encore les nouvelles compositions de plain-chant produites dans le cadre des réformes néo-gallicanes.
L’objet de ce volet consiste donc à explorer, d’une part, les différents niveaux de contraintes imposées par le lieu et la liturgie et, d’autre part, les degrés de variabilités dans les réponses apportées par les compositeurs en fonction des destinataires auxquels ils s’adressent (cathédrales, paroisses, couvents), à travers la prise en compte de sources et d’œuvres peu ou pas encore exploitées ; son étude est développée selon les approches suivantes :
1. Anthologie de textes normatifs et relatifs à l’usage :
Ces données pourront être ensuite confrontées avec la production musicale.
Toutes ces approches se complètent pour tenter de définir et défendre, au-delà des spécificités locales, un comportement régenté du culte, surtout public, au sein duquel la musique et le chant ecclésiastique doivent apporter leur concours à l’édification générale.
2. Analyse de corpus musicaux d’usage :
Le cursus liturgique est précisément défini dans sa structure (messe, offices des heures) et dans ses textes, dont les diverses structures et fonctions cérémonielles conditionnent l’emploi des formes sonores et des écritures musicales. Ces textes, toutefois, ou leurs emplois, peuvent varier localement (offices spécifiques de dévotions ou de saints locaux, spécificités monastiques) et ont même parfois fait l’objet de grands bouleversements sous l’effet des réformes dites néo-gallicanes à partir de la fin du XVIIe siècle. Par ailleurs, certains d’entre eux sont aussi employés pour des parties hors cursus ou ad libitum de la liturgie (saluts, expositions du Saint-Sacrement, processions, cérémonies extraordinaires…), où la musique trouve une plus grande marge de liberté. Il s’agit donc ici de recenser et analyser des sources d’usage, qui permettront par la suite d’évaluer la variété des propositions d’agencement de ces dernières pour répondre à ces diverses contraintes et aux différents publics auxquels sont destinées leurs œuvres (chapitre capitulaire, paroisse, couvent masculin ou féminin).
Les corpus musicaux manuscrits ou imprimés attestant d’un ou plusieurs usages locaux (en dehors de la Chapelle royale), qui sont les plus susceptibles de répondre finement à ces interrogations, nous sont parvenues en petit nombre et sont encore largement méconnues des chercheurs. Nous répertorions ainsi actuellement 7 corpus destinés à des églises séculières, dont certains semblent avoir appartenu à des compositeurs (ex. : fonds Merle), 13 corpus à usage de couvents, et 3 corpus dont l’analyse devrait permettre de mieux préciser le type de destinataire, pour l’instant inconnu. Les genres représentés en sont extrêmement variés (motets, faux-bourdons, plains-chants anciens ou nouvellement composés, pièces d’orgue). Cet ensemble fait l’objet d’une description analytique fine complète incluant la prise en compte de l’articulation des œuvres avec leur contexte liturgique ; les résultats de ce travail seront mis à la disposition de l’ensemble du groupe de recherche, dans un premier temps, puis rendus accessibles à un public plus large, par la publication d’un catalogue analytique. Par ailleurs, pour faciliter les identifications, les incipits duCatalogue du motet imprimé en France seront prochainement disponibles dans la base de données NEUMA.
3. Étude d’un répertoire spécifique et emblématique de la création musicale religieuse de l’époque baroque situé au croisement du plain-chant et de la musique figurée : les plains-chants musicaux.
Ce nouveau genre de la musique d’Église, apparu avec l’introduction de la Réforme catholique en France et qui fut désigné une cinquantaine d’années plus tard par l’expression « plain-chant musical », constitue l’un des domaines de création musicale les plus spécifiques et emblématiques de la période d’Ancien Régime. Presque complètement ignoré jusqu’ici par la recherche où il a surtout été abordé comme une curiosité, l’étude approfondie de cet important corpus constituera un apport important de Muséfrem.
Cette musique monodique, tantôt vient se substituer au plain-chant traditionnel (chez les oratoriens de Bérulle, mais surtout chez les religieuses), tantôt sert de musique de degré de solennité supérieur dans des sanctuaires où l’on n’avait pas les moyens ou pas la volonté de solenniser la fête par un dispositif musical exceptionnel. Elle n’a en ce sens pas le même statut que les nouveaux plains-chants composés à la même époque pour les offices nouvellement créés, qui d’ailleurs conservent l’écriture du plain-chant traditionnel. En effet, leur écriture musicale prend le plus souvent en compte l’évolution du langage musical contemporain, notamment par l’introduction d’ornementations mélodiques et par l’emprunt à des échelles tonales.
Nous privilégions, pour cette étude, le corpus des messes de l’ordinaire en plain-chant musical, un des rares « genres » qui puisse être relié à la fois aux milieux de cour et à des milieux populaires, par son double ancrage conventuel et paroissial et, par ailleurs, un domaine de la création musicale religieuse particulièrement dynamique depuis l’implantation de la Réforme catholique et par-delà la coupure de la Révolution.
En effet, l’investissement du genre, d’abord par les plus grands musiciens de l’époque (Du Mont, Nivers, Campra, Lalande…), relayés ensuite, à partir des années 1750, par des chantres locaux plus ou moins amateurs et auteurs de messes dans le goût du temps (messes de Bordeaux, Italienne, Agathange, Thérique, Célestine, de l’abbé Bonaud…), ainsi que l’évolution parallèle des publics concernés, qui sont d’abord les couvents masculins et surtout féminins, puis les paroisses, sont aussi le signe de l’importance à la fois musicale et populaire qu’a connu ce genre nouveau de composition musicale.
Ces messes sont en cours de publications sur les bases Sequentia consacrée au plain-chant et à la liturgie à l’époque moderne, et NEUMA.
4. Organisation d’une Journée d’études à l’IRPMF (prévue en décembre 2012) : « Créer de la musique d’Église en France aux XVIIe et XVIIIe siècles : contraintes des usages et pratiques ecclésiastiques ».
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