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« Je ne le suivrai pas plus loin, Messieurs, & ne vous conduirait pas dans son cabinet, où livré à la composition, il essayoit sur le violon, & quelquefois sur le clavecin, l’effet des airs qu’il imaginoit. [...] lorsqu’il étoit à l’ouvrage, il ne souffroit pas qu’on l’interrompît : malheur à l’indiscret qui perçoit alors jusqu’à lui. »
Maret, Eloge historique de Mr Rameau, 1766.
Alors que ne cesse de croître la connaissance biographique de Jean-Philippe Rameau (né en 1683 et disparu il y a deux cent cinquante ans, en 1764), que l’on cerne de mieux en mieux les circonstances dans lesquelles il créa son œuvre musicale – maintenant cataloguée et progressivement publiée –, que les enregistrements discographiques se multiplient, que son œuvre théorique enfin a fait l’objet d’études fondamentales, les travaux d’analyse portant sur sa musique restent à ce jour encore rares. L’Opéra de Rameau de Paul-Marie Masson (1930), les travaux plus récents d’Emil G. Ahnell puis Graham Sadler, Sylvie Bouissou, Charles Dill, Cynthia Verba ont certes fourni des éclairages nouveaux et divers, notamment sur le corpus des tragédies en musique. Un large champ d’investigation reste cependant ouvert pour mieux comprendre Rameau « à l’ouvrage ».
Peut-être est-ce à cause de la difficulté à établir une méthode d’analyse : quoique tonale, la musique de Rameau ne semble pas complètement analysable selon les logiques de la tonalité, du moins telles qu’elles ont été établies à partir de corpus ultérieurs ; mais elle ne l’est pas non plus totalement selon les termes de la pensée musicale en usage à l’époque du compositeur. Quant à sa théorie proprement dite, elle répond à certaines questions mais reste très allusive sur des aspects parfois cruciaux, comme celui de la forme. D’un autre côté, l’essor au sein de la discipline musicologique des approches liées à l’histoire sociale, aux recherches sur la performance practice et sur la réception ont fondamentalement modifié le regard que nous portons sur la partition, trace d’une pratique souvent plus collective qu’il n’y paraît, bien plutôt que relevé fidèle d’une pensée créatrice solitaire et déconnectée du monde.
Il ne s’agit donc pas ici d’envisager la musique de Rameau comme un système clos dont il faudrait dégager les structures, comme l’avait espéré en son temps Paul-Marie Masson, mais de croiser des approches consciemment historicisées : s’interroger sur le statut des sources (manuscrits, imprimés, éditions critiques) servant de support à l’observation, et surtout confronter différentes méthodes d’analyse, « ramistes » (peu de compositeurs ont autant écrit sur la technique de leur art) mais aussi « pré-ramistes » (la théorie de Rameau est postérieure à son apprentissage) et enfin « post-ramistes » (afin d’atteindre les problématiques non explicitement formulées du temps du musicien).
Ce séminaire de recherche répond donc à trois acceptions du terme d’atelier. L’atelier de Rameau, du compositeur au travail dont on tentera de percer quelques secrets de fabrication ; l’atelier Rameau, du maître d’œuvre d’une production collective, notamment dans le domaine lyrique (des apports dans les disciplines littéraires, philosophique ou en histoire du spectacle et pratique de la reconstitution complèteront alors utilement l’analyse musicale) ; l’atelier des ramistes, réuni•e•s pour une dizaine de séances autour d’une sélection restreinte mais variée de pièces brèves ou d’extraits de Jean-Philippe Rameau. Chaque séance sera consacrée à une seule œuvre, pour laquelle plusieurs analyses seront proposées. Ces communications seront à l’occasion du débat mises en relation avec une ou plusieurs interprétations – d'où la participation de chercheurs et chercheuses également musiciens et musiciennes, qui viendront avec leurs instruments, leurs airs de danses et de chant : leurs réalisations de Rameau seront autant d’analyses de sa musique.
Pour retrouver le programme complet et s’informer sur les publications de l’Atelier Rameau :
http://atelier.rameau.online.fr
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