Florence Gétreau, éditorial
Cette quinzième livraison de Musique-Images-Instruments est la première à n’être pas consacrée à une thématique unique. Trois sujets principaux y sont en effet développés et sont consacrés à des portraits, des ballets et enfin des traités. Ce volume propose donc des outils de connaissance sur des facteurs d’instruments aux parcours fort différents, des éléments de réflexion sur la dimension politique et esthétique de ballets de cour, enfin une clarification très nouvelle sur la mise en oeuvre pratique autant que conceptuelle de traités et encyclopédies français consacrés partiellement aux instruments de musique au siècle des Lumières.
Eric Montbel, Le portrait de Manfredo Settala attribué à Carlo Francesco Nuvolone : hommage au collectionneur et facteur de sourdelines.
La découverte d’un portrait de Manfredo Settala permet d’observer la fameuse sourdeline, cornemuse complexe fabriquée et jouée en Italie au XVIIe siècle. Dans le tableau attribué à Carlo Francesco Nuvolone, peint vers 1646 et connu jusqu’alors par une gravure tardive, l’inventeur milanais est mis en scène, entouré d’objets de sa fabrication. Settala était célèbre dans l’Europe entière pour son musée à Milan, qui fut bien plus qu’un cabinet de curiosités. Ce grand voyageur y exposait non seulement des « merveilles » exotiques, mais il y montrait aussi de multiples curiosités issues de son laboratoire : sphères armillaires, miroirs ardents, monstres mécaniques, instruments de musique qu’il perfectionnait inlassablement. La sourdeline apparaît comme un « chef d’oeuvre », pièce centrale dans le portrait discuté ici et dans le Musaeum Septalianum. Au-delà des perspectives mécaniques et technologiques que révèlent ce tableau, et des informations organologiques qui resituent la sourdeline dans l’évolution des cornemuses savantes en Italie et en France, nous proposons une approche anthropologique de l’oeuvre de Settala, en la replaçant dans le contexte de son temps. Grâce à plusieurs récits de vie, qui permettent de mieux comprendre la personnalité de cet artiste et savant – qui fut un humaniste engagé dans la compréhension et la transformation du monde, beaucoup plus que dans sa contemplation – nous tentons d’éclairer la symbolique de ces objets.
Eszter Fontana, Portraits of Johann George Tromlitz (1725–1805).
Two portraits survive of Johann George Tromlitz, a former law student at the University of Leipzig, who was active as a flute virtuoso from the early 1750s. Both portraits are preserved in the University’s collections in Leipzig: one, an engraving known from several copies, and the other, a pastel portrait acquired in 2009 from one of Tromlitz’s descendants. This work deals with both pictures and their artists. By including biographical information on Tromlitz and knowledge of his environment, they could both be dated more accurately and attributed to their artists. Both portraits show transverse flutes as occupational attributes. It becomes evident to the alert observer that the images each portray one stage of the work of an important figure who is also active as a flute maker.
Stefano Fogelberg Rota, Representations of power: the role of Nicolas Vallari in Queen Christina’s Ballets and Processions.
This article examines the propagandistic character of the court ballets and processions performed during Queen Christina’s reign (1644–1654) through an investigation of the work of French artist Nicolas Vallari. The combined analysis of a list of costumes designed by Vallari for some of the most important court ballets from Christina’s time — i.e. Les Passions Victorieuses et Vaincues (1649), La Naissance De La Paix (1649) and Le Parnasse Triumphant (1651) — with the series of drawings for the procession La Pompe de la Felicité (1650), attributed to Vallari, reveals the main propagandistic aims behind these performances. This investigation is completed by an analysis of the interplay between the list of costumes and the gouaches with the written libretti of the ballets and the procession.
Cristina Santarelli, L’exotisme dans les dessins pour le théâtre de Leonardo Marini (1737-après 1806).
L’oeuvre de Leonardo Marini, qui a réalisé les costumes pour les opéras et ballets mis en scène au Théâtre royal de Turin de 1767 à 1799, est documentée par une importante collection de dessins de théâtre (16 vol.) conservée à la Bibliothèque royale, ainsi que par une série de gravures représentant les costumes pour l’Armida de Pasquale Anfossi (1770) dans son ouvrage Abiti antichi di diverse nazioni d’Europa e d’Asia. L’introduction à ce dernier volume est une discussion sur le style de costumes à adopter pour le théâtre (Ragionamento intorno alla foggia degli abiti teatrali), un manifeste pour une réforme de l’opéra du point de vue du costumier. Dans ce texte, Marini plaide pour une esthétique fondée sur le rejet du « caprice » et du faste baroque, mais en faveur de la simplicité soutenue par les érudits. Selon l’auteur, seule une connaissance historico-géographique peut apprendre à éliminer les abus et à rester dans les limites de la vraisemblance. L’article se concentre sur les costumes exotiques de Marini et leur mise en relation avec des inventaires français de même nature.
Kim de Beaumont and Beverly Wilcox, What Mozart Saw and what Saint-Aubin Heard: A View of the Concert Spirituel in 1778.
Mozart’s “Paris” symphony was composed in 1778 for the Concert Spirituel. Mozart, writing his first symphony in four years, envisioned a new kind of venue — a large concert hall, where an anonymous mass of people could enter without invitation — that soon became the norm for the symphonic genre. A sketch by Gabriel de Saint-Aubin has recently been recognized as a representation of the Concert Spirituel in that year. The audience is in the foreground and the performers are a distant impression, perhaps playing a symphonie concertante. The work may be an example of temporal blending, combining several events into one image; a work by a master artist is not always a record of actual events. This paper, jointly written by an art historian and a musicologist, brings together data in Mozart’s letters, sketches by three different artists, architectural plans, inventories, and a hithertounpublished maquette; calculates the capacity of the hall (900-1050 seats) and illuminates the transition from aristocratic patronage to public concerts that affected the lives of Mozart and every composer of his generation.
Zdravko Blažeković, Illustrations of Musical Instruments in Jean-Benjamin de La Borde’s Essai sur la musique ancienne et moderne.
When Jean-Benjamin de La Borde (1734–1794) published his Essai sur la musique ancienne et moderne (Paris, 1780), its portion on music instruments included in the second half of the first volume (Des Instrumens, p. 201-393) was one of the most extensively illustrated encyclopedic surveys on instruments published until that time. It included illustrations of several hundred instruments from the Guinean coast of Africa, ancient and modern China, the Arabic/Ottoman world, the Mediterranean antiquity, European instruments from the Middle Ages to the eighteenth century, and traditional instruments. Many of these images were copied from standard sources about instruments and other volumes on general history or culture. La Borde’s plates can be classified into three groups according to different illustration methods and aesthetics. The first group are twentyfour plates produced by a certain P. Boulland which include copies of instruments modeled on earlier works with only minor changes. Artistically more complex are twenty-nine plates produced by the etcher Pierre Chenu (1718–1795) after the designs by Silvestre David Mirys (1742–1810), who based their works on earlier illustrations by Filippo Bonanni, Charles Burney, manuscripts of the thirteenth- to fifteenth-century at the royal library, and also produced some original compositions showing instruments they knew from the contemporary practice. When copying earlier images, they significantly altered their models, placing sometimes instruments in hands of musicians which do not appear in the original image, and other times entirely changing the musician’s posture. Two plates, copying images from manuscripts, were engraved by Nicolas Ponce (1746–1831) and one other by a certain Dorgez (active 1780–1814).
Malou Haine, Les instruments de musique dans les Arts et métiers de l’Encyclopédie méthodique.
L’Encyclopédie méthodique est une refonte complète de l’Encyclopédie de Diderot et D’Alembert et du Supplément à l’Encyclopédie dirigé par Jean-Baptiste Robinet. Elle s’articule en une série de dictionnaires spécialisés par matière qui produira plus de 200 volumes entre 1782 et 1832. Certains d’entre eux sont des compilations, d’autres de véritables inédits. Les instruments de musique sont traités dans huit de ces séries. Deux d’entre elles sont ici étudiées : les Arts et métiers mécaniques de Jacques Lacombe et les Manufactures, Arts et métiers de Jean-Marie Roland de La Platière. Le principal volume est l’Art du faiseur d’instruments de musique (1785) de Lacombe dont la majorité des textes sont repris d’ouvrages antérieurs. D’autres métiers s’occupent partiellement d’instruments de musique et sont traités dans d’autres volumes : boisselier, fondeur de cloches, chaudronniers, horlogers, boyaudier, souffletier et fabricants de tambours.
Malou Haine, Les classifications des instruments de musique en France de 1761 à 1819 et l’élaboration d’une terminologie organologique.
Au XVIIIe siècle, encyclopédies, dictionnaires et ouvrages divers s’intéressent aux instruments de musique. La classification tripartie habituelle n’est plus satisfaisante. Sont tour à tour examinés le Notionaire de François- Alexandre Garsault (1761), l’Encyclopédie avec Denis Diderot (1765) qui reprend la classification de Jacques Savary (1723), le Dictionnaire de musique de Jean-Jacques Rousseau (1767), le Supplément de l’Encyclopédie avec Frédéric de Castillon (1777), l’Essai sur la musique de Benjamin de La Borde (1780), l’Encyclopédie méthodique avec les séries Arts et métiers mécaniques de Jacques Lacombe (1785), Musique de Nicolas-Étienne Framery (1818) et Physique de Jean-Henri Hassenfratz (1819). Les critères typologiques variés ne sont pas sans provoquer des ambigüités et des incohérences qui montrent une terminologie non encore fixée et des classifications en évolution. Garsault et Hassenfratz apparaissent particulièrement modernes.
Michael Latcham, Musical instruments in the history of furniture; the pianos of Ferdinand Hofmann.
The dating of furniture is not easy. Few pieces are dated, different styles overlapped each other, styles already left behind in the city were continued in the provinces, and simple styles that today seem older turn out to be later. Often however, harpsichords and pianos are provided with inscriptions giving the name of the maker, where and when the instrument was made and can thus provide a key to understanding changes in furniture style. Nonetheless, most early Viennese pianos are not dated. For instance, none of the Hammerflügel by Ferdinand Hofmann (1756–1829), one of the first Viennese piano makers, bears a date. But by arranging his pianos in chronological order according to their technical specifications it can be shown that Hofmann used neo-Gothic and neo-classical styles at the same time and if anything, that his neo-Gothic style came first.
Thierry Maniguet, La dynastie des Raoux, facteurs de « cors de chasse » du XVIIe au XIXe siècle.
Transmise de père en fils pendant deux siècles, la maison Raoux est considérée comme l’une des fabriques ayant le plus marqué l’histoire de la facture des instruments de musique à vent en France. Reconnus notamment pour la qualité de leurs trompes de chasses et de leurs cors d’harmonie, les membres de l’atelier Raoux ont bénéficié sans discontinuité du titre de fournisseur du Roi ou de l’Empereur au cours des XVIIIe et XIXe siècles. S’appuyant sur des sources archivistiques peu ou pas exploitées, cette étude tente d’apporter un éclairage nouveau sur cette dynastie dont la production a participé à l’émergence de l’école française de cor.
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